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Deux pensées pour Hydro

L'histoire de Hydro-Québec me rappelle deux citations.

La première est tirée du livre IL S'AGIT DE NE PAS SE RENDRE (Arléa), de Jean Ziegler, professeur de sociologie à Genève:

«Qu'est-ce que l'État national, aujourd'hui? Une formidable machine de contrainte et de privilège, devenue largement indépendante de la société civile qui l'a originellement produite.

Cet État sert prioritairement et parfois presque exclusivement les intérêts de la bureaucratie qui le domine. Cet État a sa propre raison, il fonctionne selon ses propres intérêts. Il est fait de relations inégalitaires, de rapports commandement-obéissance.

L'inégalité est son essence, la discrimination sa loi, quelles que soient les proclamations constitutionnelles qui masquent sa pratique.»
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La seconde vient de L'HORREUR ÉCONOMIQUE (Fayard), un superbe essai sur l'exclusion sociale et l'omniprésence du discours économique, écrit par Viviane Forrester. L'auteure y dénonce la passivité de la population devant le rouleau compresseur de l'État et de la business:

«L'indifférence est féroce. Obtenir l'indifférence générale représente, pour un système, une plus grande victoire que toute adhésion partielle, fût-elle considérable. Ce n'est pas le système qui nous met en danger, mais nos acquiescements aveugles, la résignation générale à ce qui est donné en bloc pour inéluctable. On a d'avance évacué jusqu'au sens de toute protestation. Nous ne sommes pas même placés devant le fait accompli: nous sommes déjà verrouillés en son sein.»

C'est exactement ce qu'ont refusé de faire les citoyens du Val-Saint-François, en février 1999: ils ne sont pas restés indifférents, ils n'ont pas acquiescé aveuglément, ils ne se sont pas résignés.

Ils se sont levés, et ils ont dit: «Wow, les moteurs!»

Malheureusement, le gouvernement a frappé en bas de la ceinture. Voyant que la loi lui donnait tort, il a voté une loi rétroactive!!!! Il a changé la loi!!!

On ne dénoncera jamais assez la façon dont Hydro-Québec s'est comportée dans l'affaire de la ligne Hertel-Des Cantons. Son attitude a tout simplement été odieuse. Il n'y a pas d'autres mots: odieuse.

Hydro-Québec et le gouvernement Bouchard ont carrément profité d'un état d'urgence (ie: la tempête de verglas) pour contourner les lois et nous passer un sapin. Ils ont profité de l'inquiétude générale pour adopter des décrets, faire fi de la population, et aller de l'avant avec leur méga projet.

Tout ça pour quoi? Pour exporter de l'électricité aux Américains.

D'un côté, le gouvernement Bouchard chantait les beautés du pays, les champs de blé, la solidarité des Québécois, la confiance et la souveraineté; de l'autre, il débarquait avec des flics armés sur les terres de ses citoyens afin d'accélérer la mise en chantier d'un projet destiné à faire plaisir à ses partenaires économiques.

Belle contradiction…