Voici un texte de BERNARD BOULAD, qui répond à la chronique que j'ai signée dans le VOIR du 21 juillet.
"Bonjour Richard. C'est le «Québécois d'origine libanaise», dont tu ridiculises les propos en les détournant de leur sens, qui te répond.
Pour ceux qui l'ignorent, je me permets de te tutoyer parce que nous avons été collègues dans VOIR pendant plus de 6 ans et que nous nous connaissons tout de même un peu. Tu aurais pu au moins avoir l'élégance de me nommer.
Malheureusement, il semble qu'avec le temps et ta renommée grandissante, tu aies perdu cette qualité essentielle qui vient avec l'humilité et l'honnêteté. Passons.
Dans le texte que j'ai fait paraître dans La Presse du dimanche 17 juillet, je n'ai pas mentionné une seule fois le nom de Ben Laden ni celui de George Bush et surtout, je n'ai jamais affirmé que Ben Laden était un leader politique (même s'il l'est malheureusement devenu) dont l'objectif était de libérer la Palestine. Dans tes mots, sans nuances et souvent grossiers, tu insinues que je soutiendrais cette vision partagée par une certaine gauche. Quelle mauvaise foi!
Je trouve cela très pernicieux, malhonnête et dangereux. Et je ne voudrais pas ici tomber dans ton piège qui vise à réduire un conflit politique majeur à une confrontation entre deux «commentateurs» dont l'un ose dire toute la vérité, en l'occurrence toi, et l'autre, moi, qui cherche des excuses.
Cette façon de réduire une profonde fracture politique en un conflit de personnalités (Ben Laden – Bush) ou de civilisations (monde « libre » occidental versus monde arabo-musulman) est la pire façon de réfléchir à ce qui est vraiment en train de se passer sur cette planète et de chercher des solutions. D'y amalgamer, comme tu le fais dans ta chronique, les tueurs en série, le Pape et la religion musulmane, mauvaise, selon toi, dans son essence, est une attitude poseuse, irresponsable et provocatrice pour rien, signe de ta méconnaissance des enjeux réels qui risquent de mettre à feu et à sang l'Occident comme le Proche-Orient depuis près d'un siècle.
Richard, la tragédie qui se déroule sous nos yeux n'est pas un spectacle et tu n'es pas à la tribune de la presse pour commenter les bons et les mauvais coups des protagonistes, faire de l'esbroufe et te défouler en exigeant, comme au cirque romain, la tête de l'un ou de l'autre. Il est question ici de la vie de millions de citoyens à travers le monde qui, au-delà des positions idéologiques de leurs dirigeants, élus ou pas, veulent impérativement vivre en paix.
Malheureusement, depuis une vingtaine d'années, l'histoire au Proche-Orient s'est emballé à coups d'injustices, d'intrusions et d'interventions occidentales inacceptables, d'alliances dangereuses et de provocations de toutes parts qui, sans espace de liberté et de réelle démocratie pour tous et toutes, mènent à la radicalisation de certaines franges de ses populations. C'est, en somme, ce que j'ai voulu dire dans mon texte; qu'il fallait aussi rapidement faire marche arrière, briser le cercle vicieux de la violence en revenant à la politique et à en changer surtout. Clausewitz l'avait bien dit: « La guerre est la continuation de la politique avec d'autres moyens ». Ben Laden, Bush et consorts l'ont bien compris.
Mais nous, en tant que citoyens du monde, n'avons-nous pas le droit de refuser d'embarquer dans cette logique infernale d'affrontement permanent pouvant dégénérer en une multitude de guerres civiles et d'insurrections à travers la planète ? Nous devons opposer à cette vision ethnocentrique vengeresse et pratiquement raciste, défendue dans ta chronique, un discours de responsabilité et de sens moral qui n'empêche nullement de traquer les auteurs de tous les attentats monstrueux qui prennent pour cible toutes les villes du monde et non seulement celles d'Occident. L'humanisme n'a pas de frontières.
P. S.: À ce que je sache, les felquistes des années 60-70 au Québec n'étaient pas musulmans, pas plus les membres de l'IRA, ni de l'ETA, ni les Brigades rouges, ni la Bande à Baader, ni le Sentier Lumineux, etc."
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Réponse de Richard Martineau:
Bernard, j'attaquais tes idées, et tes idées seulement (raison pour laquelle je ne t'ai pas nommé). Alors que toi, tu m'attaques personnellement. Dommage, je te croyais plus digne…