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Comparons des oranges avec des oranges!

ANNE DERONZIER:

"J'aimerais aussi mettre mon grain de sel dans la discussion sur Quitter le Québec. Ce qui me chagrine, ce n'est pas tant que ces Québécois veuillent faire leur vie ailleurs, mais plutôt les préjugés grossiers et parfois carrément faux qu'ils véhiculent sur le Québec en le comparant soi-disant au reste de l'Amérique du Nord. Si on veut comparer, qu'on le fasse comme il faut.

Plusieurs études ont été faites sur la différence Montréal-Toronto ou Ontario-Québec, et, surprise, c'est le Québécois qui a finalement le plus d'argent dans ses poches. Nous payons peut-être plus de taxes, mais le coût de la vie est le plus bas en Amérique du Nord. Une maison à Toronto coûte trois fois plus cher qu'à Montréal. Les tarifs d'électricité sont, eux aussi, parmi les plus bas, idem pour les frais de scolarité à l'université. L'école publique, quoi qu'on en dise, est bien moins mauvaise qu'aux États-Unis en général, mais, malgré tout, au Québec, l'école privée est accessible. En Ontario, elle est réservée aux très riches, aux États-Unis des gens se ruinent pour l'éducation de leurs enfants.

Les services de garde coûtent, ici, 7 $ par jour, calculez donc ce qu'il en coûte ailleurs pour travailler et faire garder ses enfants. Aux États-Unis, il faut payer pour les soins de santé, et les assureurs ne veulent pas tout couvrir. Les soins de santé sont d'ailleurs inaccessibles pour plusieurs millions d'Américains.

Je ne dis pas que le système de santé au Québec est parfait, il faudra probablement l'assouplir, le modifier, mais le modèle américain est peut-être le pire des pays occidentaux.

C'est au Québec qu'il y a le moins grand écart entre les riches et les pauvres. Je sais que plusieurs ont l'air de s'en foutre, mais cela se traduit aussi par le taux de criminalité le plus bas en Amérique du Nord. Quand il faut investir pas mal en sécurité, c'est encore une dépense que les Québécois n'ont pas à faire.

Devinez où le salaire minimum est le plus bas au Canada? En Alberta, à 5, 90 $ l'heure. J'aurais honte, pour la province la plus riche. Riche d'ailleurs surtout grâce à son pétrole, pas parce qu'elle serait bien meilleure que le Québec pour les affaires. C'est la province qui est responsable de la majorité des gaz à effet de serre au Canada. Qu'on félicite donc à tour de bras les plus grands pollueurs!

Je recommanderais aussi à tous l'ouvrage L'Amérique pauvre (Nickel and Dimed), écrit par Barbara Ehrenreich. Pendant des mois, cette journaliste a exercé divers jobs au salaire minimum un peu partout aux États-Unis et son constat est effrayant: ces travailleurs ne réussissent pas à se loger, devant parfois partager des chambres de motel cheap, et ne mangent pas à leur faim. Je ne serais pas fière de vivre dans une société où quelqu'un qui travaille à temps plein ne réussit pas à se loger et à se nourrir convenablement.

Je pourrais ajouter aussi ceci: le Québec est une des sociétés les plus dynamiques culturellement au monde. Je n'énumérerai pas toutes les réussites du Québec, même s'il est étonnant de voir tout ce qui se fait ici de qualité en musique, télévision, cinéma, littérature, théâtre, danse, cirque, etc.

Bien sûr, on sait bien que les émules d'Elvis Gratton et de Jeff Fillion crachent sur la culture québécoise et que, pour eux, il n'y a que ce qui est américain et en anglais de bon. Ça en dit seulement long sur leur propre étroitesse d'esprit. Le MET de New York a déjà qualifié Montréal de haut lieu culturel en Amérique du Nord et le magazine canadien MacClean's a déjà placé ma ville, Québec, au premier rang des villes canadiennes pour la qualité de vie. Les critères portaient justement sur la culture, la pollution, le taux de criminalité, les soins de santé, entre autres.

Je voyage beaucoup en Amérique du Nord et je vois bien que, pour me payer l'équivalent de ce que j'ai à Québec, un condo en plein centre-ville avec vue sur les montagnes, il faudrait que je sois millionnaire ailleurs, à San Francisco, à Boston ou à Vancouver.

Je pourrais en dire long aussi sur le reste, les débats, etc. Je suis moi-même très critique de la gauche et du syndicalisme, mais, en face d'un tel simplisme, je me suis sentie obligée de rappeler l'importance de certaines données sociales. On dirait vraiment qu'ils ont gobé toutes les âneries de Jeff Filion et consorts sans se poser de questions."