Un témoignage très, très intéressant de JEAN BUTEAU:
"Le texte concernant "Quitter le Qc" me touche beaucoup car contrairement à la majorité qui s'exprime sur ce site et sur votre blog, j'ai bel et bien quitté le Qc. J'habite NY, en plein coeur de Manhattan et je peux donc parler en connaissance de cause.
Aussi, cette discussion m'anime puisque j'ai maintenant l'opportunité de revenir au Qc (les emplois sont rares dans mon domaine) et mon épouse et moi sommes à peser les "pour et les contre".
En effet, vivre à l'étranger permet de mettre en lumière les défauts de notre société québécoise… et oui, l'herbe nous semble plus verte ici, chez le voisin. Je vais donc parler de MA propre expérience car elle sera différente pour tous et chacun (on ne peut comparer NY à San Francisco, par exemple!).
Oui, le fardeau fiscal nous semble anormalement élevé au Qc. Ici, je me sens plus riche car je paie environ seulement 20 % d'impôt (NY State + USA, combinés). Aussi, il n'y a pas de TPS/TVQ à 15 %.
Toutefois, en contre partie, nous ne bénéficions pas des mesures sociales dont jouissent les Québécois. Un deux et demi se loue donc 2000 US $. Il n'y a pas de garderie à 5 $. Il faut allonger 15 000 US $ à 20 000 US $ par enfant pour les faire garder de 9 à 5.
Oui, le système scolaire québécois est en ruine. Les conditions sont bien meilleures ici. Les classes comptent 20 élèves et non pas 30. Il y a plein de sorties et d'activités parascolaires. Il y a plus de budget pour les orthopédagogues et il y a même des assistants-professeurs dans les classes. Cette réalité est loin de celle du Qc, vous en conviendrez!
Les universités sont ultra-modernes, les départements regorgent d'argent et des "Prix Nobels" vous enseignent la biologie. Par contre, ils vous en coûtera 30 000 US $ pour envoyer votre enfant à la renommee Columbia University in the City of New York.
Bien sûr, nous n'avons pas de système de santé gratuit comme c'est le cas au Qc. Ici, il faut se prémunir d'une assurance privée. Cela coûte environ 3000 US $ par année par famille. Sans assurance, on peut mourir sur le trottoir devant l'hôpital car il est impossible d'obtenir des soins (en fait, il est impossible d'entrer dans l'hôpital, gardé par des agents de sécurité!!!).
Les gens sans assurance ne peuvent se payer de médicaments et ils est donc courant, dans la population peu fortunée, de rencontrer des diabétiques non-traités, par exemple. En fonction de l'assurance qui vous couvre (parce que certaines sont meilleures que d'autres, bien sûr!), certains actes médicaux sont couverts a 100 %, d'autres en partie et finalement d'autres pas du tout.
Ça devient un exercice de magasinage car votre assurance couvre aussi seulement les médecins affiliés à son réseau. Il faut donc s'assurer de trouver un medecin ou spécialiste couvert dans notre région.
Mais une fois entré dans le système, un Québécois ne peut que s'émerveiller!
Les hôpitaux sont à la fine pointe de la technologie. On peut rencontrer un spécialiste en seulement quelques jours. On n'attend pas plus d'une heure.
Le patient est un client, il est traité comme un roi puisqu'au fond, l'hôpital est devenu un business à but hautement lucratif. Mon épouse a été suivie étroitement tout au cours de sa grossesse, a bénéficié des nouvelles techniques d'imagerie, etc. Et pour vous dire, elle a accouché dans une chambre privée qui ressemblait plus à une suite d'un hôtel luxueux qu'à une chambre d'hôpital (plancher de bois franc, sofas en cuirs, écran plasma sur le mur, immense salle de bain avec douche walk-in).
En somme, oui, la vie est bonne aux USA. À condition de faire partie de la classe sociale privilégiée (la classe moyenne disparaît tranquillement).
Voila pourquoi les avantages sociaux d'un emploi sont plus importants que le salaire lui-même. Il n'est pas rare pour un employeur de fournir l'assurance, un rabais pour les cours universitaires et de subventionner une partie du loyer.
Un petit côté de moi trouve inhumain cette situation et je fais donc face à un étrange dilemme éthique: Dois-je renier une vie meilleure parce qu'elle est injuste pour mon voisin défavorisé?
Pourrais-je rester ici et être confortable dans une société avec tant d'inégalités sociales, même si je suis l'un des favorisés?"