Il y a quelques jours, j'ai croisé un jeune homme qui portait un t-shirt à l'effigie du président des États-Unis. «George W. Bush = International Terrorist», pouvait-on lire.
J'ai eu tout de suite envie d'aller le voir et de lui conseiller d'acheter Tainted Legacy: 9/11 and the Ruin of Human Rights, de William Schulz.
Schulz est le directeur du chapitre américain d'Amnistie internationale, le célèbre organisme de défense des droits de la personne et de la liberté d'expression. Ce n'est pas le genre d'homme que l'on qualifie «de droite», bien au contraire. Il ne s'est jamais gêné pour critiquer l'administration Bush. Mais comme tout amant de la liberté («Liberté: possibilité d'agir sans contrainte; état de celui qui agit avec pleine conscience et après réflexion»), il pourfend également la gauche américaine, qu'il qualifie de naïve et d'irresponsable.
Il y a quelques mois, Schultz a accordé une entrevue au webzine Salon. Ses propos auraient certainement fait pâlir mon jeune homme au t-shirt, et tous les autres nouveaux adeptes du Che qui sont toujours prêts à critiquer les gouvernements occidentaux, mais qui passent bizarrement toujours leur tour lorsque vient le temps de vilipender Ben Laden et ses sbires.
(À quand un chandail disant Ben Laden = International Terrorist? J'imagine qu'il ne se vendrait pas autant que les t-shirts arborant des slogans anti-américains. Pas assez cool.)
Oui, il est important de défendre les libertés civiles, dit le grand patron d'Amnistie internationale. Mais en même temps, on ne peut pas s'enfouir la tête dans le sable. Les nouveaux réseaux de terrorisme international posent une menace inédite aux démocraties, et on ne peut pas les combattre avec de simples pétitions. Il faut adopter des méthodes drastiques, qui peuvent parfois entrer en conflit avec certaines valeurs traditionnelles de la gauche.
En d'autres mots: on ne fait pas d'omelettes sans casser des oeufs.
La difficulté majeure qui se pose actuellement aux démocraties est d'adopter ces méthodes drastiques sans pour autant ouvrir la porte à l'État policier.
Schultz pose des questions extrêmement pertinentes. Par exemple: on a tout lieu de croire que le système de métro de New York pourrait être la prochaine cible d'un attentat terroriste meurtrier. Une façon de protéger les usagers est d'installer des caméras de surveillance dans les couloirs et les tunnels du métro. Or, tous les groupes de gauche s'opposent à l'adoption d'une telle méthode, sous prétexte qu'elle évoque Big Brother et qu'elle met en danger le droit à la vie privée.
Qu'est-ce qu'on fait, alors? On baisse les bras et on laisse faire? Pour Schultz, cela serait irresponsable. Le premier devoir de l'État est d'assurer la sécurité de ses citoyens.
Schultz n'a pas de réponse facile. Il ne dit pas que George W. Bush est un grand défenseur de la liberté (le chapitre américain d'Amnistie internationale a refusé de se prononcer sur le bien-fondé de l'intervention militaire américaine en Irak, et Schultz se montre très critique face à la doctrine préventive du Président). Il se pose des questions, c'est tout. Il refuse de résumer une situation extrêmement complexe à une série de slogans rock'n'roll et d'aphorismes rose bonbon.
Il dit qu'il est temps que la gauche cesse de se cacher derrière ses grands principes inébranlables pour regarder la réalité en face.
C'est bien beau, défendre les libertés civiles et le droit à la vie privée. Mais comme l'affirme Schultz: «Il faut être pragmatique face à la menace terroriste. Le temps est venu pour la gauche de prendre cette menace au sérieux. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour empêcher un prochain attentat sur notre sol. Car si nous subissons un autre 11 septembre, George Bush aura toutes les raisons du monde pour y aller à fond de train.»
Bref, on renforce notre sécurité maintenant, en installant des caméras dans le métro, par exemple. Ou l'on subit un autre attentat, et on tombe dans la logique guerrière.
Faites votre choix.