BloguesRichard Martineau

Quand la sexualité était magique

Ce n'est pas facile de vieillir.
Prenez Playboy, par exemple. Le célèbre magazine pour hommes fondé par Hugh Hefner célèbre son 52e anniversaire cette année. Or, quand on le feuillette, on dirait qu'il a 103 ans.

Il faut dire que les mentalités ont beaucoup changé depuis la parution du premier numéro en 1953. Aujourd'hui, le sexe fait partie de notre paysage quotidien. Plus besoin d'acheter le Playboy pour voir des femmes nues. On voit des seins partout, à la télé, sur les murs, dans les abribus.

Il y a cinquante-deux ans, Playboy a choqué l'Amérique en publiant une photo de Marilyn Monroe nue sur sa page couverture. Aujourd'hui, vedette rime avec bobettes. Même Christina Aguilera s'est foutue à poil sur la une du magazine Rolling Stone.

Et vous avez vu les nouveaux magazines masculins à la mode? Plus crûs, tu meurs. À côté de Maxim, Stuff, FHM et Loaded, des mensuels machos bourrés de testostérone, Playboy ressemble à un vieux mononcle qui se parfume au Brut 33.

En fait, on pourrait dire que Playboy est aux magazines pour hommes ce que James Bond est aux nouveaux super héros. Il est bien sympathique, l'agent 007, avec son smoking et son Dry Martini, mais à côté de Vin Diesel, il est aussi sexy et aussi moderne que Bob Barker, l'animateur de The Price is Right. On a envie de l'allonger sur un lazy-boy et de lui donner une crème de menthe.

Bref, en un demi-siècle, Playboy est passé de brûlot avant-gardiste à magazine ringard. Et vous savez quoi? C'est ce qui fait son charme.

Le magazine de Hugh Hefner nous ramène à une époque où notre rapport à la sexualité était naïve, innocente. Les jeunes garçons entrevoyaient un bout de mamelon dans le Playboy de leur père, et ils pouvaient en rêver pendant une semaine. Le mêle n'en demandait pas beaucoup: une paire de fesses, et il était content.

Aujourd'hui, notre rapport à la sexualité est complètement tordu. Un clic du souris, et vous pouvez voir une femme sucer un cheval. Où allez-vous, à partir de là?

L'autre jour, dans le cadre d'une émission de télé, je discutais de sexualité avec trois filles dans la vingtaine. Elles partageaient toutes la même opinion, à savoir que les gars de leur âge sont complètement blasés lorsqu'il est question de sexualité. La position du missionnaire, pour eux, est complètement dépassée. Ce qui les excitent, ce sont des trips à trois, le sexe anal, les orgies.

Dans les années 50, on comparait les relations sexuelles à une partie de base-ball. Quand un gars embrassait une fille, on disait qu'il avait atteint le premier coussin. Quand il lui caressait un sein, le deuxième. Et quand il lui touchait le sexe, le troisième. Une relation sexuelle complète était un coup de circuit.

De nos jours, un simple, c'est une baise. Un double, un trip à trois. Et un triple, un gang-bang. Quant au coup de circuit, je ne sais pas ce que c'est, mais ça doit sûrement impliquer des animaux de ferme.

Comprenez-moi bien. Je ne dis pas: «Dans mon temps, c'était mieux.» Je ne fais pas l'apologie du puritanisme. Mais entre les reportages-photo du National Geographic montrant des Zoulous tout nus et les sites de bestialité que l'on retrouve sur Internet, il y a, me semble-t-il, un monde.

Effectivement, il est plutôt fripé, le lapin de Hugh Hefner, et il ne choque plus grand monde. Mais je garde quand même pour lui une affection particulière. Il me parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.

Celui où la sexualité était encore mystérieuse. Donc, magique.