BloguesRichard Martineau

L’affaire Boisclair: le vrai débat

PIERRE-ÉTIENNE PARADIS:

"Décidément, je n'y comprends rien à rien.

Jeudi dernier, M. Boisclair faisait plutôt bonne figure à l'émission Tout le monde en parle. Peu après avoir répondu candidement: «La réponse est oui» à une question concernant sa consommation de pot durant les années 90, M. Boisclair a même avoué être en faveur de la légalisation de cette substance. Les applaudissements fusaient de partout.

J'en conclus donc que le pot est de facto «légalisé» dans l´opinion publique québécoise, puisque les journalistes n´ont pas trouvé matière à scandale là-dedans.

Or maintenant que M. Boisclair a avoué avoir consommé de la cocaïne étant ministre, les médias s´emballent et on en fait tout un plat.

Pourtant, sur un plan légal, il n´y a aucune différence: les promesses de décriminalisation des gouvernements libéraux fédéraux qui se sont succédé s´étant soldées par un non-lieu, la possession de cannabis demeure encore aussi illégale et criminelle que la possession de coca.

Or, au lieu de lancer un débat intelligent concernant l´éventuelle politique en matière de drogues d´un Québec souverain (qui ne serait donc plus à la remorque d´Ottawa), les petits journaleux de la convergence sont tout heureux de pouvoir enfin tripatouiller dans la vie privée d´un candidat ulcéré, et contribuent à entretenir des faussetés concernant les prétendus «dangers» de certaines substances contrôlées.

Le résultat est que nous avons des réponses idiotes à des questions tout aussi idiotes.

Il faudra effectivement «tirer la ligne» entre la vie privée et la vie publique des politiciens, comme le suggérait au Point l´animatrice Dominique Poirier, sans même prendre conscience de l´ironie de ses propos.

Ce que fait André Boisclair pendant ses week-ends de congé ne m´intéresse pas. En fait, la cocaïne entraîne une dépendance ni plus ni moins élevée que l´alcool (exception faite du crack), et la consommer, sous forme naturelle du moins, est autorisé pour certains peuples autochtones en vertu de dispositions des conventions internationales.

L´Organisation mondiale de la santé (OMS) a même suggéré en 1995 de reclassifier cette substance dans une catégorie moins restrictive, au grand dam des États-Unis, qui ont alors menacé d´arrêter de financer cet organisme dont la méthodologie scientifique est pourtant des plus rigoureuses.

Au moment où des milliers d´enfants au Québec sont bourrés d´amphétamines (le Ritalin), il serait grand temps de relancer le débat sur cette distinction absurde entre substances légales et substances criminelles.

J´espère à tout le moins que M. Boisclair aura les bons arguments pour suppléer à son exaspération."