Il y a quelques mois, j'ai reçu un volumineux dossier de presse vantant les vertus de la compagnie American Apparel, la fameuse chaîne de boutiques branchées fondée par le Montréalais Dov Charney.
«American Apparel opte pour la responsabilité sociale en proposant une production basée sur une intégration verticale qui permet à ses employés de contribuer directement à la croissance de l'entreprise. (…)
Chez American Apparel, nous gardons toutes les étapes de production à l'interne, permettant d'humaniser l'environnement de travail. (…)
Chez American Apparel, un employé du textile peut gagner jusqu'à 18$/US, et bénéficier d'un régime d'assurances privé, de cours d'anglais pour favoriser son intégration aux équipes de travail, de massages, de cartes de transport, etc.»
Voilà qui est bien. Voilà qui est très bien, même. Si on fouillait un peu, je suis sûr qu'on découvrirait que Dov Charney se lave les cheveux avec un shampoing qui n'est pas nocif pour l'environnement, et qu'il boit de l'eau de source équitable puisée dans un puits appartenant à une coop de paysannes homosexuelles du Chiapas…
Maintenant, voulez-vous me dire pourquoi une entreprise aussi «responsable socialement» nous arrose de pubs de si mauvais goût?
Comme l'a déjà dit une comédienne, les pubs d'American Apparel sont si vulgaires et si glauques qu'elles semblent sortir d'un catalogue spécialisé dans la traite des blanches.
Toujours les mêmes filles à peine pubère. Les mêmes poses suggestives. Les mêmes éclairages blafards, qui rappellent les films pornos cheap. Les mêmes petites culottes, le même regard lascif, la même bouche entrouverte.
Si notre gourou capitaliste altermondialiste est si différent et si novateur, pourquoi utilise-t-il le plus vieux truc au monde pour vendre ses guénilles?
Flirter avec l'esthétique porno, c'est pas de l'exploitation, ça, monsieur Charney?
Comprenez-moi bien, je ne suis pas puritain. J'adore les pubs coquines, qui séduisent, charment, flirtent. Mais les pubs d'American Apparel ne séduisent pas. Elles agressent.
Dans un article publié dans le magazine GQ de juin 2004, Dov Charney affirme qu'il rencontre ses «modèles» partout, dans la rue, dans les bars, dans les trade-shows, etc. «On ne recherche pas le plus beau cul au monde, dit-il au journaliste, une jolie jeune fille à son bras. On recherche des filles qui sont vraies.»
Preuve que le millionnaire du t-shirt est reconnaissant: plus de la moitié des filles qui ont accepté de se faire photographier pour les pubs d'American Apparel (avec peu ou pas de maquillage, sous une lumière minimale) ont été engagées pour travailler dans l'une de ses boutiques. «Dans un moment typique de candeur, écrit le journaliste, Dov Charney admet avoir sorti avec plusieurs d'entre elles.»
C'est ça, «l'intégration verticale qui permet à ses employés de contribuer directement à la croissance de l'entreprise»?
C'est ce que la publiciste voulait dire quand elle écrivait qu'American Apparel «garde toutes les étapes de production à l'interne, permettant d'humaniser l'environnement de travail»?
Dans le dossier de presse d'American Apparel, on trouve une lettre signée par «deux féministes», Karin et Christine.
«Les femmes qui gueulent contre vos pubs travestissent la pensée féministe, disent-elles. Le vrai féminisme célèbre le droit des femmes à exprimer librement leur sexualité. Vos pubs se distinguent des images anorexiques et dégradantes qu'on retrouve si souvent dans le milieu de la mode.»
Elles se distinguent, vraiment?
C'est drôle, moi, je trouve qu'elles ressemblent comme deux gouttes d'eau aux pubs de Parasuco.
C'est la même maudite bullshit. La seule différence, c'est que Parasuco n'essaie pas de nous faire croire qu'il est Mère Teresa.
Juste un vendeur de guenilles. Prêt à tout pour augmenter sa part de profits.
Je suis parfaitement en accord avec votre billet, M. Martineau. Je suis tanné et même choqué de voir ces publicités dans notre journal Voir à chaque semaine. Voir ces jeunes filles présentées d’une façon aussi sexuelle, c’est dégoûtant.
Et ça continue! Et l’entreprise progresse, grossit… J’ai hâte que ce « cycle » d’hyper-sexualisation prenne fin… On cherche à contrecarrer la pédophilie depuis quelques années. Cependant, au même moment, on permet à American Apparel de se développer en nous présentant, par exemple, une fille de 15-16 ans à quatre pattes, en montrant son cul en sous-vêtements!
En souhaitant que ce « cycle » finisse…