BloguesRichard Martineau

Le monde est stoned

Le Chapstick, ça vous dit quelque chose? Vous savez, le baume protecteur qu'on se met sur les lèvres afin d'éviter les gerçures?

Eh bien, vous ne le croirez peut-être pas, mais aux États-Unis, il existe des groupes de soutien pour les gens qui sont accrocs au Chapstick: les Lip Balm Anonymous.

Les membres de ce groupe (qui, parfois, se mettent du Chapstick ou du Blistex sur les lèvres 60 fois par jour) se rencontrent régulièrement afin de se débarrasser de leur manie.

Sur le site Internet de Lip Balm Anonymous, on trouve un questionnaire destiné à diagnostiquer les personnes souffrant de dépendance au Chapstick. Ce test comprend 43 questions. En voici quelques-unes:

– Vous sentez-vous déprimé après avoir utilisé du baume à lèvres?
– Utilisez-vous du baume à lèvres lorsque vous êtes seul?
– Vous est-il déjà arrivé de fréquenter un endroit juste parce qu'on y trouvait du baume à lèvres?
– Avez-vous déjà volé de l'argent pour vous acheter du baume à lèvres?

À première vue, l'idée de fonder un groupe de soutien pour aider les personnes qui se cirent les lèvres est totalement ridicule. Ce n'est pas dangereux, après tout! Cela dit, pourquoi pas?

Lorsqu'on y pense, les membres de Lip Balm Anonymous ne sont pas si différents de vous et moi.
Regardez autour de vous: nous sommes tous accrocs à quelque chose, nous avons tous besoin d'une béquille pour vivre. Quand ce n'est pas la drogue ou l'alcool, c'est le sexe, la bouffe, la nicotine, le travail, la religion, l'amour ou le chocolat. Certains ne peuvent passer une journée sans se défoncer au gym, alors que d'autres sont incapables de travailler sans boire un litre de café ou manger un kilo de sucre.

Il y a les cyber-dépendants, qui sont collés à leur écran d'ordi; les obsessionnels compulsifs, qui se lavent les mains à toutes les deux minutes; les anorexiques, qui maigrissent à vue d'oeil; les boulimiques, qui se font vomir; les accrocs du jeu, qui flambent leurs économies au casino; les alcoolos, qui mettent du scotch dans leurs céréales, et les pharmaco-dépendants, qui croquent des p'tites pilules roses comme si c'était des Smarties.

Sans oublier les collectionneurs, qui emplissent leur garage de quossins inutiles, les acheteurs compulsifs, qui n'ont jamais assez de souliers ou de sacs-à-main, et les sexe-addicts, qui passent leur journée à se toucher le zizi.

Il y a même les accrocs aux accrocs!
Ajoutez à cela les hommes qui battent, les femmes qui aiment trop, les enfants qui se sucent le pouce jusqu'à 25 ans et les chiens qui courent après leur queue, et vous avez une belle ménagerie de dingues. De quoi remplir des millions d'asiles.

Pourquoi sommes-nous tous drogués à une chose ou à une autre? Qu'est-ce qui nous pousse à nous étourdir de la sorte?

Je ne sais pas quoi répondre à cette question, je ne suis pas un spécialiste des toxicomanies. Mais quelque chose me dit que ça fait partie de la condition humaine. On a beau dire que l'homme et la femme sont des êtres rationnels, nous sommes tous à la recherche de transcendance.

Nous voulons tous sortir de notre corps, sortir de notre tête, et toucher le ciel du bout des doigts. Comme le chantait Bob Dylan: «Knock, knock, knockin' on heaven's door.»

Comme Adam et Ève, qui ont été mis à la porte des jardins d'Éden par un portier particulièrement susceptible (après tout, ils n'avaient fait que manger une pomme, non?), nous cherchons désespérément le chemin qui nous ramènera au Paradis. Pour certains, c'est un tour de manège à La Ronde. Pour d'autres, c'est un bon vieil orgasme.

En 1946, l'Organisation mondiale de la santé affirmait que la santé était «un état de complet bien-être physique, mental et social».

Si c'est vrai, j'ai des petites nouvelles pour vous.
Tout le monde est malade.