Connaissez-vous Les Sopranos? Cette télé série produite par la chaîne américaine HBO (et diffusée au Québec sur les ondes de Super Écran) est considérée par les critiques comme un véritable chef-d'ouvre. Un journaliste du New York Times a même affirmé que Les Sopranos est la plus grande ouvre populaire des 25 dernières années, rien de moins!
L'histoire à la base des Sopranos est simple: un parrain de la mafia qui souffre d'angoisse chronique consulte une psychanalyste afin de savoir ce qui ne va pas chez lui. À première vue, il s'agit d'une série policière comme les autres. Mais lorsqu'on l'analyse plus en profondeur, on se rend compte que Les Sopranos est en fait un portrait extrêmement subtil des relations homme-femme.
Prenez les scènes où le gangster discute avec sa psy. Elles illustrent à merveille le fossé qui sépare les sexes.
Dans le coin droit, vous avez Tony Soprano, le gangster bedonnant, qui ne jure que par l'action; dans le coin gauche, le docteur Melfi, une intellectuelle froide et austère, qui tripe sur l'introspection.
Le bandit est un être hautement compétitif, qui règle ses conflits avec ses poings; la psy est une personne calme et réfléchie, qui préconise la discussion et la négociation. Le premier ne réfléchit pas suffisamment aux conséquences de ses actes avant d'agir; la seconde y réfléchit tellement qu'elle n'agit jamais.
Bref, ces deux personnages se complètent l'un l'autre. comme l'ostrogène et la testostérone!
Au contact de sa psy, Tony Soprano apprend à devenir plus sensible. Alors qu'au contact de son client, le docteur Melfi apprend à laisser libre cours à son agressivité.
Les Sopranos montre ce qui est arrivé aux sexes ces dernières décennies. Les hommes sont devenus plus émotifs, alors que les femmes, elles, se sont endurcies et ont découvert les joies de la compétition. Bref, chacun a mis de l'eau dans son vin, et du vin dans son eau.
On pourrait aussi dire que Les Sopranos est une métaphore sur l'émasculation du mâle. Comme beaucoup de ses contemporains, Tony Soprano est un homme d'une autre époque. Lorsqu'il était enfant, ses modèles masculins étaient John Wayne et Gary Cooper («des hommes forts et silencieux, qui ne se posaient jamais de question», dira-t-il à sa psy). Mais en l'an 2000, ces modèles sont complètement dépassés. Maintenant, pour réussir dans la vie, il ne faut pas avoir des gros bras, mais un gros cerveau.
Autant les valeurs masculines étaient essentielles dans les années 50, autant ce sont ce qu'on pourrait appeler les valeurs féminines qui prédominent aujourd'hui: le travail d'équipe, la flexibilité, l'intuition, la conciliation.
Pas étonnant que Tony Soprano ait des crises d'angoisse. Il ne se sent pas à sa place dans cet univers d'idées, de mots et d'émotion. Les outils dont ils dispose ne sont plus adaptés à la réalité d'aujourd'hui, et ne peuvent l'aider à avancer dans la vie. Pour survivre, il doit changer d'attitude, et revoir complètement ses priorités.
Les femmes qui peuplent l'univers des Sopranos sont fortes, déterminées. Il y a la mère de Tony, une sorte de Terminator en pantoufles qui se comporte comme un véritable chef de clan. Sa femme, qui le mène par le bout du nez. Et sa fille, qui n'écoute pas son père et l'envoie régulièrement promener.
À côtés de ces femmes de tête, les hommes des Sopranos ressemblent à des gamins de huit ans qui jouent aux cow-boys. Ils tentent d'en imposer en crachant par terre, en fréquentant des bars de danseuses et en maniant des revolvers, mais ils ne trompent personne.
Ce ne sont pas des hommes, mais des caricatures d'hommes. Ils tentent de cacher leur désarroi en se déguisant en durs à cuir et en adoptant des poses artificielles. Ils se croient rough and tough, mais leur virilité est en carton-pâte.
D'ailleurs, c'est peut-être pour cela que le personnage principal s'appelle Soprano. Parce qu'il n'a plus de couille.
C'est un castrat qui rêve d'être (à nouveau) un baryton.