Je ne sais pas ce qui s'est passé récemment, je ne sais pas si c'est à cause de l'eau ou de l'alignement des planètes, mais je n'ai jamais vu autant de lesbiennes autour de moi.
Vous ouvrez un magazine: une photo de lesbiennes.
Vous allez aux toilettes dans un bar: une pub pour une mini-série de lesbiennes.
Vous écoutez la radio: une tribune téléphonique sur les lesbiennes.
Non seulement la lesbienne n'a-t-elle jamais été aussi présente, mais elle n'a jamais été aussi belle. En effet, on est loin de la «butch» poilue qui ressemble à un chauffeur de camions. La lesbienne moderne (aussi appelée «Lipstick Lesbian») est mince, épilée et maquillée.
Ce n'est pas une lesbienne qui nie sa féminité, au contraire, c'est une lesbienne qui la célèbre, la mythifie, la glorifie. Elle aime tellement sa féminité, la nouvelle lesbienne, qu'elle prendrait sa douche en porte-jarretelles et se crèmerait la langue.
Elle n'est pas seulement femme: elle est plus femme que femme. C'est la quintessence même de la féminité, une über-femme 100 % féminine, crée dans un laboratoire rose et expurgée de toute composante un tant soit peu masculine.
L'autre jour, alors que je venais de sortir de la douche, j'ai entré le mot «Lesbian» dans mon moteur de recherche. (C'est dégueulasse, je sais, mais que voulez-vous, je suis un professionnel et je ne recule devant aucun sacrifice pour vous informer.) J'ai trouvé des dizaines et des dizaines de sites traitant des «Lipstick Lesbians».
Après avoir passé quelques heures à regarder les photos, histoire de bien comprendre le sujet, j'ai commencé à lire les textes. Je suis tombé sur ce passage savoureux:
«On sait qu'on est une Lipstick Lesbian.
– Quand on ressent une impression de puissance lorsqu'on toise les gens du haut de nos talons-aiguilles;
– Quand on envisage le maquillage comme un camouflage de guerre;
– Quand on croit que le terme «féministe féminine» n'est pas un oxymoron, mais une redondance;
– Quand on est convaincue qu'on peut faire tout ce qu'un homme peut faire, en talons hauts et en jupe;
– Quand on pense qu'Adam était un premier jet.»
La dernière phrase est particulièrement révélatrice. Contrairement à la «butch» des années 70 qui s'habillait et se comportait comme un homme (superbe forme d'hommage s'il en est), la «Lipstick Lesbian» agit comme si l'homme n'existait même pas. Pour elle, l'homme est une entité négligeable, méprisable, non existante.
Le chromosome Y et les pantalons disparaîtraient-ils complètement de la surface de la Terre qu'elle ne hausserait même pas les épaules et continuerait de se maquiller comme si rien ne s'était passé.
Les «Lipstick Lesbians» sont tellement à la mode que certaines filles hétéros commencent à regretter de ne pas jouer pour l'autre équipe. Imaginez: des soirées passées à se polir les ongles d'orteils, à feuilleter des magazines de mode, à essayer des sous-vêtements craquants! Que demander de plus?
Surtout qu'entre femmes, on sait ce qui nous plaît et ce qui nous fait plaisir, pas besoin de passer deux heures à expliquer à Gérard où se trouve notre bouton d'amour.
Résultat: les «Lipstick Lesbians» ont maintenant leurs touristes, des filles hétéros qui visitent le voisinage de temps en temps, histoire d'élargir leurs horizons et d'épicer leur quotidien. Après tout, un corps de femme, c'est tellement beau, non? Et tromper son chum avec une autre fille, ce n'est pas vraiment tromper.
Il y a deux jours, j'ai parlé des «Lipstick Lesbians» à ma bande de copains. Ils étaient tous pour, et ils voulaient tous en accueillir une chez eux. «On a un grand lit, m'a dit mon chum. Si elle veut, elle pourrait même coucher entre moi et ma blonde.»
Si ce n'est pas de la grandeur d'âme, ça, je ne sais pas ce que c'est.