À la fin novembre et au début décembre, la Cinémathèque québécoise présentera une rétrospective complète des films réalisés par Pier Paolo Pasolini.
Au cours des prochains jours, je profiterai de l'occasion pour vous parler régulièrement de Pasolini. Parce que c'est l'un de mes cinéastes préférés, mais aussi parce qu'il demeure, trente ans après son assassinat, toujours aussi pertinent, aussi dérangeant.
Le 9 décembre, à 20 h 30, la Cinémathèque présentera Salo ou les 120 jours de Sodome, son chef-d'oeuvre posthume sorti en 1975. Si vous ne l'avez pas encore vu, je vous conseille fortement d'assister à la projection.
Mais attachez votre ceinture et prenez des Gravol! Salo est un film dur, cruel, à la limite du supportable.
Comme le célèbre roman de Sade, dont il s'inspire, le dernier film de Pasolini ressemble à un catalogue d'outrages: une bande de bourgeois horriblement pervers séquestrent des jeunes gens, les violent, les sodomisent, leur font bouffer de la merde, les torturent et les massacrent. Aucune émotion, aucune morale. À la fin, les méchants ne sont même pas punis.
Il n'en fallait pas plus pour faire hurler les censeurs. Pourtant, Salo mérite le coup d'oeil, même si ses images sont effectivement insupportables. Ce n'est pas une oeuvre pornographique; c'est un film qui attaque la porno, qui crache sur tous ceux qui ont détourné la révolution sexuelle de son sens premier. «La révolution sexuelle était censée nous libérer, dit Pasolini. Or, les pornocrates se sont arrangés pour qu'elle nous asservisse.»
Dans Salo, le monde est divisé en deux: les puissants, qui se servent de leurs sujets pour jouir; et les paysans, qui sont abaissés au rang d'esclaves. Le corps n'est plus qu'un objet de consommation parmi tant d'autres, que les riches jettent après usage.
Marxiste, Pasolini nous montre ce qu'il advient du désir dans un monde régi par l'inégalité, l'exploitation et la production de masse. Il nous fait voir les forces obscures qui s'agitent derrière la soi-disant libéralisation des moeurs.
Son message: «On voulait jouir pour se libérer. On a maintenant les films porno et les danses à dix. Le sexe est devenu une usine, une industrie qui enrichit ses patrons et asservit ses ouvriers.»
Un constat amer, mais essentiel. Surtout à notre époque.