YVES BOLDUC:
"Voilà, mon cher Richard, une excellente mise en situation pour votre petit jeu de la morale. Doit-on retirer les prix décernés à des artistes qui, par la suite, se retrouvent en prison? Bien sûr, on dit des artistes mais ce pourrait être n'importe qui qui se voit décerner un honneur sur la place publique, non?
Doit-on lier un honneur public à l'intégrité de celui qui le reçoit? Ou ne doit-on percevoir dans ces prix que la récompense légitime pour un ouvrage, un geste, une carrière jugés exceptionnels? Intéressant comme problème.
Comment l'aborder? À mon sens, il faut d'abord s'en remettre à l'intention derrière le prix. Par exemple, si, en tant qu'illustre machin truc je décerne une récompense publique à quelqu'un qui a accompli un acte de bravour, ce que je veux faire c'est souligner un geste en valorisant les qualités de courage et de compassion qu'il exige.
L'individu peut être n'importe quel jo-blo c'est pas grave, ce qu'on souligne, c'est l'acte et les valeurs qui y sont accolées. Un ivrogne sauve la vie d'un enfant, c'est pas grave si le mec est alcolo. Il a fait le bon geste, on lui donne sa médaille, fin des émissions.
Mais dans le cas de Guy Cloutier c'est différent. Ce qu'on lui a donné c'est un prix hommage, reconnaissant l'ensemble de son oeuvre (!?!). Là on est dans un tout autre registre.
Le bonhomme a fait une carrière d'escroc et de pédophile. Tout ça, le public l'ignorait. Mais la façade était rutilante. Quelle belle réussite d'un p'tit gars de cheu-nous. Brillante carrière, ouais! Ce type a triché et pas à-peu-près pour arriver là où il a été. Il a atteint le sommet en pilant sur le dos des autres.
Là où il est maintenant c'est la vraie résultante de ce qu'il a fait. Son véritable prix (très mérité), c'est la rangée de barreaux qu'il a devant le nez tous les matins.
Alors est-ce qu'on doit lui retirer le Félix-Hommage? Bien entendu! Les autres, je sais pas, mais celui-là? Bordel qu'on lui fasse avaler et chier jusqu'à ce qu'il disparaisse. Voilà ce que j'en pense!
C'est une honte pour Félix de voir son nom accolé à cette carrière et à ce type. Et puis les gigolos de l'ADISQ, ceux qui n'ont pas eu le courage de lui retirer vitement et fermement cette statuette, ces andouilles de premières qui ont même affirmé qu'ils ne voyaient pas pourquoi on lui retirerait, ces enculés qui en savaient probablement bien plus que le public et qui ont fermé les yeux sur toutes ses magouilles de petit pimp, ceux-là, Richard, ils ont zéro partout au jeu de la morale.
À mettre dans le même panier que les fripouilles d'Enron, Norbourg et tous les pourris dénoncés par le juge Gomery.
Dehors, les chiens… Et pas de médaille, s.v.p.!"