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Réactions à mes propos sur le reportage de Zone Libre

ALAIN LABELLE:

"Dites-moi que je rêve. Les reportages sur Wal-Mart sont "occidento-centristes"? Selon vous, il faut choisir entre l'exploitation des enfants par Wal-Mart ou sucer des touristes? Non mais, c'est quoi ce délire?

J'ai vu des tas de commentaires sur les sites de Voir, La Presse, Radio-Canada qui justifient le travail des enfants. J'en ai même vu traiter ceux qui sont contre cette exploitation de go-gauchiste syndicaleux.

Premièrement, votre argument de la lente évolution est incorrect. Oui, il y a 150 ans, on exploitait les enfants mais quel autre modèle y avait-il? L'esclavage était encore généralisé sur les trois-quarts de la planète. Quel modèle y avait-il: les martiens? Par contre, aujourd'hui, au nom de quoi faudrait-il tolérer que l'on exploite les enfants dans des conditions inhumaines?

Oui, si il y avait un minimum de pression sur Wal-Mart et les autres, on cesserait cette exploitation abjecte. On embaucherait des adultes qui sont, déjà, tout à fait disponibles sur le marché de l'emploi. Et pourquoi ne pas leur donner un salaire décent qui serait de toute façon à mille lieux de nos salaires? Je peux vous garantir que Wal-Mart et compagnie y trouveraient encore leur compte.

Oh, bien sûr, les pauvres actionnaires devraient voir leur rendement réduit de 1 ou 2 %, mais croyez-moi, ce ne sera pas la ruine et il y aura encore des bonne affaires à faire en Chine et au Bengladesh.

On régresse, on accepte de plus en plus ce qui était inacceptable il n'y a pas si longtemps: corruption, torture, exploitation des enfants… Pourquoi ne pas légaliser l'esclavage? Le salariat est tellement contraignant pour les profits…"
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DOMINIQUE D'ANJOU:

"Les biens-pensants s'offusquent qu'on ferme des sweat-shops et que des petits punjabs se retrouvent à la rue. Ce devaient être les mêmes il y a 150 ans qui s'offusquaient de priver les esclaves afro-américains de "travail" après la guerre de Sécession.

J'ai quelques questions naïves:

Est-qu'il faut aboslument que les pays en développement passent exactement par où les pays industrialisés sont passés? Si oui, pourquoi?
Est-ce qu'il faut absolument que les pays pauvres atteignent notre niveau de vie?
Ne court-on pas vers la catastrophe écologique si une telle chose arrive?
N'est-ce pas plutôt à nous à diminuer notre abondance pour en faire profiter les plus pauvres?
Est-ce qu'on ne devrait pas payer le vrai prix de ce qu'on achète et fabriquer ici ce que l'on consomme?
Ne devrait-on pas annuler les dettes des pays pauvres?
Est-ce que l'argent de leurs dettes ne pourrait pas leur permettre de se doter de systèmes d'éducation et de santé publiques?
Ne devrait-on pas les laisser produire ce dont ils ont besoin et non pas ce dont nous avons déjà trop?
Les Del Monte et Chiquita de ce monde ne devraient-ils par redonner les terres qu'ils ont volées à leurs habitants qui se retrouvent dans les bidonvilles et les sweat-shops?

Est-ce que quelques réponses à ces questions pourraient faire en sorte qu'il y ait moins d'enfants dans les usines et dans les rues, et plus dans les écoles et dans leur famille?

J'ai de la difficulté à croire que les pauvres nous attendent les bras ouverts avec nos wal-mart. Que faisaient-ils avant? Pour certains, il semble qu'ils crevaient tous de faim. En tout cas, avant le colonialisme, ils ont su créer des civilisations étonnantes, voir grandioses. Au nom de quoi il faudrait leur imposer notre mode de vie qui semble de plus en plus foutre sur le cul la planète?"
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CAROLINE RODGERS:

"Votre argumentation sur le travail des enfants au Bangladesh simplifie le problème à outrance. Si l'on examine votre logique, vous justifiez le fait qu'on exploite des gens sous prétexte que, de toute façon, ils sont démunis.

Or, ce n'est pas parce que les gens sont désespérés que ça donne le droit à d'autres d'en profiter et de se bâtir un empire sur leur dos! Il ne s'agit pas d'exiger que tous les enfants qui travaillent dans des usines pour aider à subvenir aux besoins de leur famille arrêtent du jour au lendemain pour se prostituer, il s'agit de voir la disproportion scandaleuse qui existe entre leurs conditions de travail misérables et les profits mirobolants qu'encaissent les multinationales.

Alors qu'un ballon de soccer, par exemple, coûte de 35 $ à 100 $, l'enfant pakistanais (âgé entre 5 et 14 ans) qui l'a cousu a été payé 50 cents. Pourrait-on le payer plus sans que personne n'en souffre? Certainement.

Mais pendant ce temps, le champion de soccer David Beckam empoche 161 millions $ pour un contrat de publicité à vie avec Adidas. Vous trouvez ça correct?

Mais comment peut-on à ce point cultiver l'indifférence à la misère des autres? Qu'ils s'arrangent avec leurs troubles, c'est ça? Ce ne sont pas vos enfants qui travaillent 14 heures par jour, ça se voit!

Mais ce n'est pas grave, ce sont des pays en voie de développement, dites-vous? Nous étions pareils autrefois? Et en quoi les injustices subies hier justifiraient-elles celles subies par d'autres, aujourd'hui? Puisque nous avons les moyens de régler ou d'améliorer leur situation, comment prétexter cela sans être de mauvaise foi?

C'est trop facile de dire qu'ils n'ont qu'à se syndiquer, enfin, vous dites vraiment n'importe quoi! La plupart de ces gens n'ont pas le niveau d'instruction requis pour avoir la notion de salaire minimum et savent encore moins ce qu'est un syndicat. Nous ne sommes plus dans les années 20, nous sommes en 2005 et il y a assez de richesse sur terre pour nourrir 12 milliards de personnes alors que nous ne sommes que 7 milliards.

Il faudrait 15 milliards $ pour soigner tous les malades du SIDA pendant un an. On en dépense 700 milliards en armements. Le problème c'est qu'on ne veut pas partager ou faire preuve de conscience sociale, on aime mieux trouver des arguments fallacieux comme les vôtres pour justifier son indifférence et son cynisme, car il est de bon ton de regarder de haut ceux qui dénoncent les injustices.

Les enfants qui travaillent, dans plusieurs pays, le font pour rembourser les dettes de leurs parents. Ce faisant, ils ne peuvent pas aller à l'école, ils devront donc rester pauvres et s'endetter eux aussi plus tard, perpétuant le cycle. C'est ça, l'esclavage moderne et se justifier d'acheter ces articles, se donner bonne conscience en disant qu'ils sont mieux d'être esclaves dans une usine qu'esclaves sexuels, c'est esquiver le débat et ses responsabilités en tant que consommateur.

Il faut exiger des multinationales qu'elles leurs donnent des conditions de travail décentes, et qu'elles financent des programmes pour que ces enfants aillent à l'école et s'en sortent un jour."