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Le grand vide intersidéral

JOHANNE VEILLEUX:

"Bonjour M. Martineau. Vous écrivez, dans le texte "La marée jaune": "Ben oui, Chose, il y a des McDo à Ouagadougou".

En fait, non, ce n'est pas vrai, il n'y a pas de McDo à Ouagadougou. J'ai eu la chance de séjourner au Burkina Faso il y a quelques mois et j'ai pu constater qu'il n'y a pas de McDo dans ce pays. D'ailleurs, les pays africains où on trouve des McDo sont très rares. Peut-être parce que sur un continent où la lenteur est reine, notre rythme de vie à l'occidental et notre "fast-food" ne sont peut-être pas les bienvenus.

Vous l'aurez peut-être deviné, je suis de ceux qui, en revenant de voyage, diront: "Mon voyage était extraordinaire, sauf le jour où j'ai vu un McDo en face d'un temple bouddhiste." Mais si pour moi une telle chose est déplorable, ce n'est pas à cause de mon paternalisme, de mon mépris ou de ma condescendance face aux "peuples du Tiers-Monde", comme vous les appelez (un terme lui-même assez méprisant, si vous voulez mon avis!).

C'est plutôt que la riche occidentale que je suis ne s'est jamais sentie aussi pauvre que depuis mon retour du Burkina Faso. Mon petit appartement est rempli d'appareils électroniques, d'appareils électro-ménagers, de livres, de vêtements, de produits de beauté… Mais j'habite seule, je connais à peine mes voisins, et mes amis n'ont pas toujours le temps de s'arrêter pour me dire bonjour et me serrer la main, quand ils me croisent sur la rue.

Nous sommes riches au niveau matériel… Au Canada, nous sommes riches également de nos ressources naturelles. C'est d'autant plus frappant quand on visite un pays comme le Burkina, frappé par la désertification… Mais au niveau humain, nous nous appauvrissons. Nous consacrons tellement de temps et d'énergie à gagner de l'argent, pour pouvoir se payer, comme tout le monde, les plus beaux vêtements, la plus belle voiture, les gadgets les plus branchés… que nous n'avons plus de temps ni d'énergie pour la famille, pour les amis, pour les voisins, pour les concitoyens…

Voilà donc ce que nous exportons, avec nos McDo, nos iPod et nos VUS: nos nouvelles valeurs, notre consommation outrancière… et un bien grand vide.

Ne vous méprenez pas: je n'idéalise pas un pays tel le Burkina Faso. J'apprécie énormément mon confort canadien. Je ne suis pas non plus traditionnelle à l'extrême. Je suis une mordue notamment de nouvelles technologies et je m'intéresse grandement au problème de la fracture numérique.

Seulement, je considère que nous sommes arrogants quand nous croyons que nous sommes riches de nos Porsches, de nos iPod, de nos McDo et de nos vêtements griffés. La richesse se trouve ailleurs.

Je suis d'accord avec l'exportation de ce qui fait mon confort, mais je m'oppose à l'exportation de notre grand vide humain!"