OLIVIER BRUEL:
"Monsieur Martineau, je pense que vous tombez dans la "mythologisation" des événements historiques. Avec le recul, la crise de mai 68 apparaît comme un événement sociopolitique marquant dans la France du XXe siècle, mais il ne faut pas croire qu'à ce moment-là, tout Paris retenait son souffle en se répétant "nous vivons un événement sociopolitique marquant" !
Je vivais à Paris en mai 1968, et bien que trop jeune pour en avoir un souvenir précis, je peux vous dire qu'en dépit de certains problèmes fonctionnels dus aux grêves et aux fermetures, c'était "Business As Usual" pour la plupart des Parisiens.
Comprenons-nous bien, je ne minimise pas la portée de ce qu'on considère aujourd'hui comme une révolution, mais je pense que de tels événements ne bouleversent pas la vie de la population au point de l'empêcher de vaquer à son quotidien.
Un autre exemple : qui se souvient de la crise de 86? J'étais étudiant à l'époque, et nous avions pourtant cru "ressusciter l'esprit de mai 68" en manifestant massivement contre les projets de réforme de l'éducation imposés par la droite. Bilan : un manifestant tué, le projet de loi retiré précipitamment, un ministre banni à tout jamais, et un gouvernement défait à l'échéance électorale suivante.
Bon séjour à Paris, Richard, et restez donc prudent : seul le recul historique nous donnera la vraie mesure de la crise du printemps 2006…"