CHRISTIAN LEBLANC:
"M Tremblay dit: «Tant et aussi longtemps qu'on va essayer de nous vendre un pays en nous parlant uniquement d'économie, je ne pense pas qu'on y arrivera.»
Et moi je dis: Tant que les choix seront pauvres et souverains ou comfortables et faisant partie du Canada; je vais voter "non; merci"… et au moins la moitié du Québec aussi va voter "non, merci".
Moi, j'ai 46 ans et je n'ai jamais vu le Québec aussi " francisé", aussi québécois qu'il l'est aujourd'hui.
Quand j'étais jeune, certains catalogues genre Eaton étaient en anglais seulement.
Quand on s'achetait quelque chose – un jouet, une tondeuse, un malaxeur à oeufs, peu importe – souvent le mode d'emploi était en anglais seulement.
Moi, quand j'étais petit, j'ai vu des menus de restaurants en anglais seulement…
Maintenant c'est illégal!
La version française d'un film au cinéma, ce n'était pas instantané comme aujourd'hui – ceux qui n'étaient pas bilingues devaient attendre parfois jusqu'à 6 mois!
Dans plusieurs commerces ont se faisait servir en anglais. Dans les industries, la main-d'oeuvre était francophone et les patrons anglophones.
Le boulevard René-Levesque s'appelait Dorchester et la rue saint-Antoine s'appelait Craig.
Le cinéma québécois était quasi-inexsistant.
Bombardier n'était pas reconnu mondialement et n'avait pas des milliards, la Caisse-Pop non plus n'avait pas de milliards…
Et le Québec est reconnu beaucoup plus qu'il ne l'a jamais été. Je vais souvent sur des sites/blogs Américains et maintenant, ils savent qui nous sommes, ils savent qu'au Québec, c'est en français que ça se passe et c'est pas seulement parce qu'ils ont vu le Cirque du Soleil à Las Vegas!
Bref, le Québec n'a jamais été si québécois qu'il l'est maintenant. Ceux qui ont mon âge savent de quoi je parle.
Je ne vois pas ce que la séparation apporterait de plus, à part une victoire symbolique."
Moi aussi, M.Leblanc, j’ai 46 ans et quand vous parlez du passé, je suis tout à fait d’accord avec vous. À la différence près, que j’ai milité pour le camp du Oui en 1980. J’ai assisté à des réunions de mon comité local, j’ai fait du porte à porte, manifesté dans des rassemblements publics, et j’ai été bien déçu voire découragé de voir le Non l’emporter.
J’avais 20 ans. Je croyais que l’élection du Parti québécois en 1976 voulait signifier que le peuple québécois souhaitait la souveraineté du Québec. On disait à l’époque que les enjeux économiques avaient eu préséance sur le choix de la majorité. Alors, depuis ce temps, on s’est mis à parler de sous, de gros sous, avec Jacques Parizeau en tête. Cela a donné le deuxième échec référendaire de 1995. Le Non l’a emporté de justesse et pas très honnêtement, comme nous l’a révélé la commisson Gomery.
Et j’ajouterais à votre texte cette nuance. Si le Québec est plus français qu’à une autre époque, c’est que des gens se sont battus pour qu’il en soit ainsi. Cela n’est pas arrivé par hasard. Il a fallu brûler des menus en anglais, adopter des lois linguistiques, quitte à se défendre en Cour Suprême. Il a fallu des militants qui ont cru et n’ont pas lâché, sinon, on chanterait comme dans la chanson de Pauline Julien :«Mommy, mommy, tell me why it’s too late… much too late.»
Je seconde!
Je me souviens que les premiers débats sur l’indépendance du Québec portaient sur la confiance en soi et la capacité des Québécois de décider pour eux-mêmes au lieu de laisser les autres décider pour soi. Rappellons-nous du slogan « Québec sait faire! » et tous les autres inspirés de la même idée!
C’est pour plaire aux indécis, que les souverainistes ont commencé à parler d’argent. Mais la démonstration dans ce genre de débat n’est pas convaincante et ne le sera jamais. En matière d’économie, peu de choses sont prévisibles, aussi la viabilité économique d’un Québec indépendant relève de la pure spéculation comme cela est le cas pour tous les pays du monde.
Je crois que le vrai débat ne se situe pas nécessairement au niveau de l’argent. Il faut revenir aux premières motivations: veut-on décider pour soi-même de son avenir ou laisser les autres décider pour soi. Il y en a pour qui le cadre canadien convient très bien. Pour d’autres, ce n’est pas le cas. Voilà la vraie question.
M. Tremblay dit que l’économie prend trop de place dans le discours actuel. Je suis désolé mais c’est l’enjeu principal! Il est dommage que l’indépendance soit supporté en majorité par des artistes. Les poètes, écrivains, chanteurs, acteurs sont une catégorie très importante d’une société. Ils nous font souvent voir les choses d’une autre façon. Ils nous portent à réfléchir Ils sont, cependant, reconnus (à tort ou à raison) pour être des pelleteurs de nuages. Des gens qui ont de grands idéaux, mais peu de réalisme.
En fait, quand on y regarde de près, l’indépendance du Québec n’est rien d’autre qu’une question d’économie.
Permettez-moi de présenter ma vision de la chose:
Le Canada est le Pôpa d’une grande famille composée de 10 enfants et de 3 bizaroïdes au statut flou (les territoires). Les enfants sont adultes, travaillent à temps plein (a part peut-être dans les maritimes, ou la géographie impose une période de chomage) et lorsque qu’ils reçoivent leurs payes, plutôt que de la déposer dans leurs compte de banque, ils la déposent tous dans le compte de Pôpa.
Celui-ci organise une grande réunion familiale une fois par année pendant laquelle il redonne des sous à ses enfants (qu’ils ont gagné à prime abord) à condition que chaque enfant la dépense selon la volonté de Pôpa.
En voulant faire l’indépendance, le Québec veut tout simplement quitter la maison familiale. Ouvrir son compte de banque. Payer les factures qu’il considère importante en premier. Ne plus avoir Pôpa dans les pattes. Il veut garder contact avec Pôpa. Mais seulement si la relation est d’égale à égale.
Une fois cette question réglée, toutes les autres suivront. Que ce soit la culture, la langue, l’éducation, la santé etc.
Michel Tremblay, ce qu’il nous dit, c’est qu’il veut qu’on parle des shows qu’on va aller voir quand on va avoir quitté la maison familiale, mais ne veut pas entendre parler de la façon dont on va payer le loyer…
Oui mais… M.Labonté, puisqu’il a été possible d’en obtenir autant (et ma liste est plutôt brève) sans la séparation du québec… en quoi la séparation du québec est elle nécéssaire?
C’est rendu chose courante d’entendre les québécois utiliser le mot « pays » lorsqu’ils parlent du québec, de dire » ici dans notre pays » en parlant du québec fait partie de notre language maintenant, je le fais moi-même sans m’en rendre compte… et je ne suis même pas souverainiste!
Serait-ce que le québec a tellement changé et que nous sommes si bien chez nous que nous nous sentons souverains?
Il semble que oui.
Un extrait du texte de Christian Rioux dans le devoir, qu’on peut relire sur vigile (http://www.vigile.net/spip/vigile924.html)
Les symboles, c’est justement ce dont sont faites les nations ! Dire que le débat national est un débat de symboles, c’est professer la plus plate des tautologies. Je ne connais pas de pays qui soit devenu indépendant par simple calcul des profits et pertes. Si tel devait être le cas, nous serions vraiment le seul peuple du monde à avoir accédé à la souveraineté sans que ce geste dramatique fasse appel à un choix symbolique et identitaire profond.
Si je m’appelais Michel Tremblay ou Robert Lepage, je serais quand même un peu inquiet de voir avec quel empressement on prétend me conscrire parmi les artistes nouvellement acquis à la cause fédéraliste alors que l’encre qui a servi à écrire ce qu’on appelle leur coming out politique (Marc Cassivi, La Presse, 11 avril 2006) n’est pas encore sèche. En toute justice pour Michel Tremblay, dont la renommée rejaillit sur tout le Québec, quand même : l’aurait-on gratifié d’un coming out de trop en tentant de le recycler trop rapidement ? À tort ou à raison, je me sens pour l’instant tout de même un peu floué… comme plusieurs de mes semblables d’ailleurs. Pour me remonter le moral, je m’apprête à réécouter une chanson d’un vieil entêté qui n’a pas encore changé d’idée. et qui n’est pas moins intelligent pour cela : «Quand les hommes vivront d’amour.» de Raymond Lévesque, un homme dont la convictions politiques ne s’achètent pas par commandites ou décorations canadiennes même assorties d’un joli chèque (tout de même payé avec le produit de nos impôts). Le bonhomme est peut-être sourd (sourd aux chant des sirènes), mais manifestement pas aveugle ! Quant à ceux qui prétendent justifier la prétendue volte-face politique de Michel Tremblay avec le cliché «seuls les fous ne changent pas d’idée», prétendent-ils que les fédéralistes et les indépendantantistes qui n’ont pas encore changé d’idée sont ces fous-là ? La discussion ne progressera pas beaucoup si les clichés tiennent lieu d’arguments, ces clichés qui ne peuvent traduire qu’une pensée déjà pensée c’est-à-dire morte et tout juste bonne à la vile propagande.