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Réflexions sur l’armée et les soldats – 2

 

Vous savez ce qui m'étonne, dans toute cette histoire de soldats qui pètent des plombs et se mettent à tirer partout, comme le héros de Full Metal Jacket, de Kubrick?

Le fait que ça n'arrive pas plus souvent.

Les membres de l'armée sont entraînés pour répondre aveuglément aux ordres de leurs supérieurs, pour mettre des villages à feu et à sang, pour tuer des inconnus de sang-froid, pour lancer des bombes sur des maisons, pour miner des champs et pour manier des fusils, pas pour organiser des cocktails ou analyser l'oeuvre complète de Tocqueville!

Vous voulez discuter politique internationale en buvant du champagne et en mangeant du foie gras? Pointez-vous à l'ambassade la plus près de chez vous.

Vous voulez savoir comment on ligote et on roue de coups un jeune de dix-neuf ans? Appelez l'armée.

N'en déplaise aux spécialistes du marketing, l'armée n'est pas un regroupement de boy-scouts ou de missionnaires qui aident les mémés à traverser les rues, mais un regroupement de tueurs à la solde de l'État.

Comme le dit le personnage du vieux général incarné par Gene Hackman dans le film Crimson Tide: «Nous sommes ici pour défendre la démocratie, pas pour la mettre en pratique.»

Comprenez-moi bien: je n'excuse pas les agissements des soldats américains qui ont tué des civils en Irak.
Je trouve seulement bizarre que nous jouions les vierges offensées chaque fois qu'un média dévoile un scandale impliquant l'armée.
Comme si l'armée était «au-dessus de tout ça»!
Comme s'il était tout à fait impossible que «ce genre de choses» se passent au sein de cette «noble» institution!
Comme si l'armée était un club de premiers communiants!

Avez-vous déjà vu la façon dont on forme les nouvelles recrues dans les forces armées?
On utilise exactement les mêmes méthodes que dans les sectes.

On les coupe du reste du monde, on les épuise, on brise leur individualité en les habillant tous pareils, on les engueule pour la moindre peccadille, on les fait courir sous la pluie à quatre heures du matin, on les humilie, on les insulte, on les transforme en robots obéissants, en chiens de garde, en adeptes…

Pas étonnant qu'il y en ait qui perdent les pédales, de temps en temps.

En fait, c'est le contraire qui est surprenant: le fait que ça n'arrive pas plus souvent.

Avez-vous vu le film A Few Good Men (Des hommes d'honneur), de Rob Reiner?
Il y a une scène brillante, à la toute fin.

Jack Nicholson interprète un militaire de carrière, le genre de soldat qui est prêt à tout pour défendre sa patrie. Accusé d'avoir violé la loi pour servir «les intérêts supérieurs de la nation», il explose de rage et engueule le jeune procureur qui tente de l'envoyer en taule:

«Mon garçon, nous vivons dans un monde entouré de murs qui doivent être défendus par des hommes armés jusqu'aux dents. Qui va escalader ces murs? Vous? Non. Vous voulez me voir sur ces murs, vous avez besoin de moi sur ces murs, mais vous ne voulez pas savoir ce que j'y fais!»

Chaque fois que j'entends ce monologue, je pense à mon ancien voisin.

Il avait peur de se faire voler, il voulait se protéger, alors il a fait le tour des pet shops pour se procurer un chien de garde.

Après trois jours, il a fini par acheter un pit-bull, «un chien costaud, méchant, qui va faire peur à tout le monde».
Une semaine plus tard, le chien lui a sauté dans la face.

Question-quiz: Qui des deux est le plus bête? Le chien méchant qui faisait ce qu'on lui a appris, ou mon voisin qui l'a acheté?