BloguesRichard Martineau

Faut-il censurer?

Les parents bien pensants qui s'énervent contre la télé et qui se donnent bonne conscience en signant des pétitions destinées à réduire la violence au petit écran ne savent pas le tort qu'ils peuvent causer.

Car ne nous leurrons pas: lorsqu'ils vont commencer à mettre des films à l'index, les censeurs, commanditaires et autres bonzes du CRTC ne se sépareront pas les cheveux en quatre. Ils ne se diront pas: cette scène violente est correcte, mais celle-là est inacceptable. Ils vont couper, point.

Ils ne feront pas la différence entre Massacre à la tronçonneuse et Le Parrain 2. Ils vont calculer le degré de violence au volume d'hémoglobine versée.

Et on se retrouvera avec une télévision rose bonbon, innocente et complètement aseptisée.

Ce qui m'emmedre avec ce maudit mouvement pro-censure, c'est qu'il se donne des airs progressifs. Il se cache sous un vernis humaniste, écologique et pacifiste. Or, il n'y a pas trois sortes de censure, il y en a une, et elle penche dangereusement vers la droite.

Avant, la censure était l'apanage des fondamentalistes catholiques et autres grenouilles de bénitiers. Maintenant, elle est la cause fétiche des parents bleu pastel qui écoutent Phil Collins entre deux émissions des Télétubbies, et qui ne font l'amour que dans des draps propres.

Ils voudraient que leurs enfants regardent des émissions éducatives, qu'ils jouent avec des jouets éducatifs, qu'ils portent des protège-genoux lorsqu'ils s'amusent dans le jardin, qu'ils trippent sur Henri Dé…

Ils rêvent d'un monde beau, propre et gentil, et appellent la police dès qu'ils tombent sur une photo d'enfants tout nus.

Ils lisent Le Petit Chaperon rouge à leur progéniture mais passent par-dessus les bouts trop heavy. Et si jamais leur petit bambin chéri fait un cauchemar, ils sautent sur le téléphone et appellent le psychologue…

Leur bonté est tellement mielleuse qu'elle vous donne envie de mettre le feu à un tas de poupées Bouts d'choux.

On aurait envie de les asseoir sur un gros sofa, de leur lire du Sade à haute voix et d'épingler une affiche de Clockwork Orange au-dessus de leur lit.

C'est bien beau, signer des pétitions à gauche et à droite. Mais il faudrait d'abord s'informer sur les conséquences que peuvent avoir les mesures qu'elles préconisent.

Les parents bien pensants ne veulent pas que leurs enfants écoutent GoodFellas? Eh bien, qu'ils fassent preuve d'autorité (oh le vilain mot!) et qu'ils les empêchent de regarder la télé.

C'est ce que je fais quand je vois des parents "responsables" parler de censure au petit écran.

Je change de poste.