Une autre réaction intéressante (signée Émilie Léger) à ma chronique sur la qualité du français
Je suis une future enseignante, encore étudiante et je ne suis pas certaine si je suis davantage consternée par les lacunes de nos élèves du secondaire ou par celles de mes confrères et consoeurs…
Je me demande parfois qui ont-ils soudoyé pour se rendre à l'Université, y rester et éventuellement transmettre leurs «connaissances» aux générations suivantes.
Au secondaire, ils nous ont crié: «Exprimez-vous jeunes gens!!!», mais ils ont oublié de nous outiller pour que l'on soit en mesure de le faire adéquatement. Je suis convaincue que pour plusieurs, la cédille est un concept totalement farfelu et que l'écriture au son est tout à fait convenable.
Quand ces jeunes gens dirigeront la société, dans quelques années, peut-être alors comprendrons nous l'importance d'avoir des gens qui savent de quoi ils parlent au Ministère de l'Éducation qui admettent qu'une réforme, c'est joli joli sur papier, mais que ça peut faire des ravages dans la VRAIE vie.
Amateurs de perronnismes en tout genre, à vos crayons, «sa va têtre bo taleur»!
Je me trompes peut-être, mais depuis quelques années j’ai clairement l’impression que le Ministère de l’Éducation du Québec tente coute-que-coute de réinventer la roue. D’année en année on peut constater de nouveaux éléments de la réforme qui éloignent l’école québécoise de l’enseignement traditionnel.
Bon, je suis d’accord qu’il est bon de toujours chercher des innovations, seulement il me semble tout à fait ridicule de sacrifier l’apprentissage de base au profit de quelque philosophie nouvelle de ce que devrait être l’instruction. Pour la sacrosainte réuissite universelle des élèves on fait passer tout le monde, sous prétexte que leur progression personnelle était suffisante.
Et bien moi je ne comprends pas pourquoi le MEQ déploie tant d’efforts pour réinventer l’éducation. Il me semble tout à fait logique, au contraire, de valoriser l’apprentissage et la maîtrise des règles d’usage de sujets aussi importants que la langue. Il en va de même pour d’autres matières concrètes comme les mathématiques ou la physique. Je ne vois pas en quoi il est élitistes d’exiger un certain degré de compétence pour octroyer un diplôme d’études secondaires.
À toujours vouloir se re-modeler pour accomoder les plus faibles plutôt que de les pousser à s’améliorer, on se tire dans le pied, vous ne trouvez pas? Pourquoi ré-inventer la roue? Ne serait-il pas préférable de chercher de nouvelles méthodes pour aider les plus faibles à rattraper les autres, plutôt que de simplement baisser la barre?
J’avoue que je ne comprends strictement rien à cette approche.
Si on prend les faits et qu’on compare la situation actuelle à celle d’il y 30-40 ans, on apprend qu’aujourd’hui les jeunes sont beaucoup plus scolarisés et ont un bien meilleur vocabulaire.
Concernant le français des jeunes, je trouve qu’on fixe trop sur le négatif en oubliant le positif; soit l’amélioration flagrante depuis quelques générations.
Le Frère Untel se plaignait déjà en 1960 de la faible qualité de la langue des jeunes. C’est un vieux discours. Les jeunes de l960 sont maintenant des personnes d’âge mur (ou presque) et certains d’entre eux ont occupé ou occupent encore des fonctions importantes dans notre société.
Il y a certainement des améliorations importantes à faire à notre système d’éducation, mais il faut arrêter les discours apocalyptiques.
Supposons que j’attrape la peste demain. Devrais-je me réjouir d’apprendre que la peste fait moins de victimes aujourd’hui qu’il y a 100 ans?
C’est quoi l’amélioration flagrante depuis quelques générations? j’ai pas vu grand chose, personnellement, de cette amélioration supposément évidente dans la qualité de la langue des jeunes Québécois.
Et je me demande: n’aurions-nous pas tendance à confondre « amélioration de la prononciation des Québécois » avec « amélioration du vocabulaire »?
Parce que c’est sûr qu’il y a 30 ou 40 ans, au Québec, ça prononçait nettement plus mal qu’aujourd’hui. Mais a-t-on vraiment un meilleur français aujourd’hui? ou si ce serait pas seulement une question de ne plus dire « moué pis toué » mais « moi pis toi »?
La qualité de la langue des jeunes québécois n’est peut-être pas formidable, mais il y a eu bel et bien des progrès. Ma mère qui a 72 ans m’a dit l’autre jour qu’il y a moins d’anglicismes aujourd’hui, ce qui est une amélioration.
Les jeunes français utilisent de plus en plus d’abréviations quand ils parlent, ce qui peut être parfois difficile à comprendre. Je crois que partout dans le monde la qualité de la langue n’est pas la priorité des ados. C’est la même situation du côté anglophone. L’autre jour, j’ai navigué avec un ami sur un forum de discussion américain fréquenté par des ados et je peux vous assurer que ce n’était pas la langue de Shakespeare. Les « Fuck », « Shit » abondaient et c’était bourré d’abréviations et de fautes d’orthographes. Mon ami, qui a été élevé en anglais, n’en revenait pas de la faible qualité du vocabulaire des participants du blogue.
Pour moi, la qualité de la langue, c’est nettement plus qu’une question de fautes d’orthographe, d’anglicisme, et de « fuck » et de « shit ».
Ce qui est grave, c’est pas cela. C’est la pauvreté des idées exprimées.
Je ne vois pas d’amélioration, personnellement. Au contraire.
Quand je lis les réactions sur ce blogue, je trouve que la qualité de la langue, la richesse du vocabulaire et des idées sont très bonnes. Même ceux et celles avec qui je suis en désaccord défendent très bien leurs idées et manient très bien la langue française.
Pour ce qui est ados, il faut faire attention. J’ai des amis qui enseignent au secondaire et c’est faux de penser que l’ensemble des jeunes sont analphabètes ou sont incapables d’exprimer clairement leurs idées. Si on leur laisse la chance de parler, on pourrait être surpris! Évidemment, il y en a qui parlent tout croche, qui écrivent au son et qui sont analphabètes fonctionnels. Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, mais il ne faut pas généraliser. De toute façon, je crois que l’on infantilise les ados sur tous les plans, notamment au niveau de la sexualité, mais ça c’est un autre débat.
Il y a un procédé que je commence à trouver un peu éculé: celui de mimer grossièrement la langue populaire pour mieux suggérer son mépris à l’égard de cette langue et, partant, des gens qui la parlent.
Cela me rappelle le grasseyement qu’affecte automatiquement le journaliste de Radio-Canada Michel Lacombe quand il veut bien nous faire sentir son scepticisme ou son mépris à l’égard d’une idée, d’un propos ou d’une lutte.
Il fait ainsi l’économie d’un dialogue réel ou d’une analyse.
Le procédé a une longue histoire. Si on relit « Tintin au Congo », on retrouve l’habitude qu’avaient les Belges et les Français, à l’époque du dépouillement de l’Afrique par les armées et les entreprises européennes, de prêter aux Africains un parler caricatural, le « petit nègre », style « Moi y en a vouloir… » ou « Ya bon Banania ».
Il me semble qu’on utilise ce truc dans la mesure où sont fragilisées les distinctions de classe traditionnelles. Dans un média gratuit comme VOIR et sur les blogues, ou aux chaînes télé généralistes que presque tout le monde écoute, des sans-noblesse (« snobs ») se retrouvent associés, confrontés à des valeurs et à des styles d’expression qui échappent aux parterres soigneusement ratissés des lecteurs « privilégiés par la vie » du Figaro ou du Devoir.
Alors on mime et on parodie la langue de l’autre pour mieux s’en distinguer, pour assurer son identité en créant un repoussoir, l’Autre et sa langue qui – Dieu merci! – n’est pas la nôtre.
Pensez-y la prochaine fois où vous verrez un tribun ou un-e internaute réac se mettre à affecter un parler populaire.
Le peuple est-il vraiment plus grossier que les animateurs à la langue stylée qui déversent systématiquement leur hargne pseudo-aristocratique sur les classes « inférieures » ou sur la « tête à claques de la semaine »? Ou que les Français-es si fier-es de nous faire la leçon?
De la « merde dans un bas de soie », comme disait Napoléon Bonaparte, traité de haut par Talleyrand…
Il ne faut pas juger de la qualité de la langue du QUÉBEC en fonction de ce qu’on lit sur un blogue de VOIR. Ce serait comme juger de la santé des Québécois en fonction des gens qu’on croise au gym. Les discussions du blogue de Martineau sont intéressantes, mais loin d’être représentatives!
Quant aux généralisations, chaque fois que j’entends des mises en garde contre cette pratique, je me surprends à ne voir personne généraliser. C’est une vraie manie! Chaque fois qu’on lit un commentaire négatif sur quoi que ce soit, toujours, quelqu’un nous dit qu’il ne faut pas généraliser, alors que personne ne le faisait.
Mesdames, Messieurs,
Pour ma part, je ne souscris pas aux gens qui veulent comparer hier et aujourd’hui quant à la qualité de la langue.
Je pourrais bien vous expliquer que mon père de 77 ans, avec sa septième année, écrivait mieux que la plupart de mes élèves de cinquième secondaire. Ce serait anecdotique.
Non, je vous parlerai de ces jeunes qui ont passé, de la première année du primaire à la cinquième année du secondaire, près de 2 000 heures sur les bancs d’école à «apprendre» ce qui est, après tout, leur langue maternelle; de ces jeunes pour lequel l’État a dépensé près de 100 000$ chacun pour qu’ils obtiennent un DES; de ce ministère de l’Éducation qui a un budget annuel de 13 milliards par année… Non, je vous parlerai du nombre plus qu’impressionnant de fonctionnaires au MELS, de tous les efforts que nous mettons en oeuvre aujourd’hui pour que nos jeunes aient accès à une éducation de qualité…
Et puis une fois ce constat bien établi, je vous parlerais de ces élèves qui écrivent «faisaient», «proffesseurs», «Québecquois» et qui ne sont pas des exceptions dans mes classes.
La question n’est pas de savoir si les jeunes parlent et écrivent mieux qu’autrefois. C’est plutôt de savoir, si compte tenu de tout l’argent et toutes les énergies que nous y consacrons, les jeunes parlent et écrivent bien.
Et la réponse est non.
Généralisation: « Opération intellectuelle par laquelle on étend à l’ensemble d’une classe, ou à une classe, les propriétés et caractères observés sur un nombre limité de cas ou d’individus. » (Le Petit Robert)
Il n’en manque pas sur ce blogue, à commencer par les propos cités dans le billet ci-hauté
Les racines de l’analphabétisme (total, fonctionnel ou partiel) sont encore bien solidement ancrées dans la psyché québécoise.
Évidemment, on a fait des progrès depuis le début du siècle, ne serait-ce que du côté de l’acquisition du savoir; les jeunes aujourd’hui lisent beaucoup plus que les jeunes baby-boomers… mais j’ai l’impression que nous avons deux extrêmes contradictoires qui, coexistant, compliquent l’état des choses. D’abord, il y a la volonté d’éduquer le plus possible à tout prix, ce qui mobilise les ressources dans une sorte de mandarinat où on constate que si ce n’est pas tout le monde qui est fait pour l’université, riches ou moins riches, on fait des pieds et des mains pour y envoyer les jeunes. D’autre part, il y a ce retour vers le « paysanisme », causé par le phénomène d’attrition de la main d’oeuvre bon marché… on tente de combler les lacunes en décourageant les jeunes d’avoir un secondaire 5 au minimum parce que l’immigration ne suit pas.
Mais une des plus grosses racines de l’analphabétisme au Québec, pour jeunes et moins jeunes, c’est le fait que l’on continue è privilégier le doublage (ciné et télé). Si on faisait exclusivement du sous-titrage, on réglerait deux problèmes d’un coup : les gens seraient forcés à lire pour écouter des films/émissions étrangères et, du coup, développeraient des aptitudes pour les langues étrangères entendues en contexte naturel, par opposition à contexte fermé (en classe). Ça marche en Europe du Nord : alphabétisation 100 % et connaissance de l’anglais, allemand etc supérieures à ceux de France, Italie…
On pourrait commencer par couper cette racine, et ainsi rediriger une bonne partie des subventions du doublage vers la création d’émissions et le sous-titrage d’autres émissions (ex. 1 000 000 $ pour doublage de « Desperate Housewives »).