Voici une lettre, signée Lhasa de Sela, reçue via le «Courrier des lecteurs» de Voir:
J'écris pour attirer votre attention sur une petite chose qui pour moi ne l'est pas.
Autrefois, quand j'entrais chez le Renaud-Bray de mon quartier, le disquaire me disait:"J'ai quelque chose à vous faire écouter!" et me mettait un disque qui, plus d'une fois, a changé ma vie.
Ceci n'est plus possible chez Renaud-Bray parce que, désormais, dans toutes leurs succursales, ils ne font passer que la nouvelle "Radio Renaud Bray". Les disquares, qui sont tous des mélomanes passionés, n'ont plus qu'à allumer leurs ordinateurs, ils n'ont plus le pouvoir de communiquer leur enthousiasme et leur savoir pour nous faire découvrir de la musique.
Dans un monde où les radios (à quelques exceptions) ne passent que de la musique "formatée" de plus en plus homogène, la musique indépendante, non-commerciale, a de moins en moins de possibilités de trouver son public. Les magasins de disques sont devenus des méga-entrepôts impersonnels. Renaud-Bray a été pour moi un des derniers endroits qui laissait une place à l'échange de nos découvertes plutôt que simplement l'achat d'un produit. J'ai déposé une plainte il y a six mois, la première fois que j'ai remarqué ce changement. Je crois que si les patrons de Renaud-Bray se rendaient compte que leurs clients tiennent à ce que les disquaires gardent la liberté de nous faire entendre leurs découvertes, à ce lien personnel et vivant entre nous, ils pourraient leur rendre leur juste rôle dans leurs magasins. Mais il faut qu'on soit plus nombreux à se faire entendre. S'il vous plaît, si vous tenez vous aussi à ces petite choses (qui ne le sont pas) prenez une minute pour déposer une plainte la prochaine fois que vous passez chez Renaud-Bray.
Lhasa de Sela
J’appuie Lhasa à 100% ! Et je la félicite TRÈS VIVEMENT de faire partie de ces rares artistes qui osent ouvrir leur gueule pour dénoncer ce monopole du formatage musical !
Fort malheureusement, la situation qu’elle décrie se généralise partout ailleurs et ne touche pas que la musique qu’on entend dans les magasins, mais aussi celle que l’on voit… Je me trouve en France en ce moment. À la Fnac, il y a des murs pleins du nouveau CD de Céline Dion ou des artistes de la Star Ac. Tant d’ailleurs qu’on ne se donne même plus la peine de faire de la place aux artistes géniaux qui n’ont aucun droit de passage sur les ondes commerciales. Aujourd’hui même, je souhaitais m’acheter l’album d’Alex Beaupain sorti en 2005, donc il y a seulement DEUX ANS. Il a déjà été supprimé de la vente de plusieurs succursales pour cause d’insuccès ! Comment diable voulez-vous que ces artistes puissent le rencontrer, ce foutu succès, si aucune radio, aucun magasin ne daigne leur accorder un semblant d’importance ?
C’est chez Renaud-Bray sur St-Denis que j’avais découvert Inti Illimani, un groupe péruvien qu’un des vendeurs passionnés avait eu envie de faire jouer lors de mon passage. J’ai tant adoré que j’ai immédiatement acheté le CD ! Ces découvertes inattendues faisaient partie du bonheur d’aller hanter les magasins de disques. Si elles ne sont plus au rendez-vous, s’il me faut me taper ce que je fuis en n’écoutant jamais la radio, j’en viendrai à ne plus mettre les pieds dans ces commerces. Qu’ils se plaignent donc ensuite d’être désertés en mettant ça sur le dos du téléchargement sans jamais se remettre en question !
Je vous comprends, chère Lhasa (et j’adore vous entendre chanter, soit dit en passant), mais je dois vous confier que j’achète désormais tous mes disques chez Québec Son et tous mes livres à la librairie Raffin.
Je déteste la mentalité de Renaud Bray, qui exploite ses employés : on leur demande d’être hyper-qualifiés et on les paie un salaire de crève-faim. Bon, vous me direz que les employés de Québec Son et Raffin ne gagnent pas davantage, mais ces deux boutiques ne font pas autant d’argent que l’autre géant.
Alors il ne me reste plus qu’à Boycotter.