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Retour sur ma soirée de mercredi

On critique parfois la programmation des Francofolies, mais franchement, le parcours extérieur proposé cette année a le grand mérite d'en offrir pour tous les goûts. Au même moment où la petite famille, qui écoute CKOI ou Cité Rock Détente sans se poser trop de question, arpente l'esplanade de la Place des Arts et trippe à voir Éric Lapointe, Laurence Jalbert et «le gars des Respectables» sur un même stage, un armé de mélomanes branchés, pour qui «le gars des Respectables» tire le Québec vers la grande noirceur musicale, y trouve aussi son compte en applaudissant le Husky et Jacquemort -groupe surévalué par des médias excités qu'un gars de Malajube mène le projet.

Le parcours d'hier était tout aussi relevé alors que je marchais de scène en scène, fort curieux de voir les Frères Cheminaud et El Motor.

J'adore ces Frères Cheminaud. Ultra accrocheur (un ami me confirmait qu'il tourne à CKOI), le groupe offre un rock énergique et un très bon country. Pas un country mi-sérieux mi-joke à la Cowboys Fringants ou complètement joke à la Saskatchewan des Trois Accords, mais un vrai country aussi senti que celui des Sadies. Le potentiel commercial de la formation mérite d'éclore au grand jour. Je pris pour que bientôt, Les Frères Cheminaud se retrouvent sur la grande scène au plaisir de la petite famille qui écoute CKOI. sans se poser de question.

Malgré le buzz autour d'El Motor, c'était la première fois que je voyais sur scène le groupe formé d'ex-Trémolo. Contrairement à plusieurs observateurs de la scène locale, leur démo ne m'a pas renversé. Remarquez que je comprends l'enthousiasme de plusieurs. Les gars d'El Motor savent exactement ce qu'il font. Ils utilisent les bons amplis, les bonnes guitares, les bons claviers et les bons effets pour se façonner un son moderne et branché sur les courants indie rock actuels. Et que Dieu bénisse Montréal, ils chantent en français. Pendant 10 ans, les Québécois semblaient incapables de produire de la musique francophone branchée sur ce qui allume le NME ou Pitchfork. Il a fallu qu'un Malajube explose pour qu'on puisse enfin y croire. El Motor est de cette trempe, certes, mais pour l'instant, leurs compositions me laissent tiède. Pas de doute, le combo assure musicalement, mais ses mélodies vocales trop plaintives manquent selon-moi de créativité, de légèreté. Fan d'El Motor, mon collègue Olivier Lalande, rencontré hier après la prestation, n'était évidemment pas d'accord. On a discuté ferme de l'importance des mélodies vocales qui pour moi sont aussi importantes, sinon plus, que le reste. Chacun ses goûts. Lui déteste (le mot est peut-être un peu fort) Karkwa, et moi je les adore. Mais ce n'est pas «in» d'aimer Karkwa. Le combo n'a pas l'esthétique Mile-End. On attendra l'album avant de juger El Motor. Cet automne sur Véga Musique.

La soirée s'est terminée au Spectrum pour voir le très charismatique Abd Al Malik. Contrairement aux slammeurs montréalais montés sur scène avant lui, le Parisien a compris le dosage parfait entre spokenwords et musique. Avec ses allures de Jacques Brel du rap, il a facilement mis la foule dans sa petite poche d'en arrière. Fort agréable.