Scène

L’Amande et le Diamant : Aux âmes de bonne volupté

C’est un sujet de prédilection en danse, mais Marie Chouinard ne s’y était pas encore attaqué en presque 20 ans de métier. «C’est la première fois que je travaille sur le duo érotique», dit-elle. Étrange pour une artiste dont toute l’ouvre est empreinte de sensualité… «Je pense que j’attendais de sentir que je pouvais l’aborder d’une manière différente, que je pouvais aller dans l’inconnu, explorer quelque chose.» A l’écoute de la vie, elle suit ses intuitions. En entrevue, elle réfléchit à chacune de ses réponses comme si on lui posait la question pour la première fois. On conçoit bien que c’est avec cette absence d’a priori qu’elle aborde son travail.

La chorégraphe ne s’est aperçue qu’après coup de l’importance des rencontres homme-femme dans L’Amande et le Diamant. Si le titre peut faire penser au contraste mâle-femelle, il évoque aussi deux petits objets précieux que l’on peut offrir en cadeau. Il y a l’idée de partage, de liens entre les gens. Un retour du balancier par rapport au Sacre du printemps, où il n’y a pas de communication entre les danseurs. «Chacun est dans une espèce d’extase dans sa rencontre avec le phénomène de la vie», rappelle-t-elle. Au contraire, sa nouvelle pièce explore toute la richesse des relations humaines.

Avec sa troisième ouvre de groupe, Mme Chouinard s’adonne, dans sa composition, au jeu des harmonies et des contrastes. La superposition des partitions chorégraphiques crée une sorte de symphonie. Vous savez, le genre de spectacle où il est impossible de tout saisir, mais où l’esprit se met à gambader? La chorégraphe pense amener le spectateur à une danse des perceptions, lorsque la pensée accompagne l’oil dans son parcours. «Est-ce que ça peut vraiment être une chose sensuelle, les jeux de l’intelligence, la chaleur de l’intelligence?», se demande-t-elle.

Pour la musique, la chorégraphe a collaboré avec le compositeur Luciano Berio. Comme elle conçoit le son comme un prolongement du corps, elle fait jouer de la musique à ses dix danseurs. Ils portent des déclencheurs, formés de bagues métalliques et de fils électriques. Ils peuvent ainsi faire coïncider facilement les punchs musicaux avec leurs mouvements. La technologie les libère de la contrainte du temps. La liberté de l’interprète est une préoccupation majeure pour Marie Chouinard. C’est pourquoi elle ajuste finement les mouvements à chaque danseur pour qu’il s’y sente parfaitement bien. «Si lui ne peut pas s’envoler, le spectateur ne pourra jamais s’envoler.»

Ce qui inspire Marie Chouinard en général, c’est le corps et le mystère de la vie. «C’est juste ça. Ça peut me permettre de créer pendant encore plusieurs centaines d’années…». Elle s’intéresse à la philosophie, à l’essentiel de la pensée. Elle ne s’encombre pas de mise en contexte pour s’exprimer. Elle ne fait pas de romans, mais de la poésie. Ne cherchez donc pas de personnages dans L’Amande et le Diamant. Que des humains, tout simplement.y

Le 28 avril
Au Grand Théâtre
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