Hamlet : Trompé jusqu'aux os
Scène

Hamlet : Trompé jusqu’aux os

Au printemps dernier, Eimuntas Nekrosius, du LIFE-Lituanian International Theater Festival, est venu casser la baraque avec ses Trois Sours de Tchekhov. Un moment de théâtre béni qui en a laissé plusieurs émerveillés, bien qu’un peu déstabilisés… Il faut croire que les dieux sont bons pour nous puisqu’on aura le bonheur de se frotter à sa vision de Hamlet, dans le cadre de la série Shakespeare du Carrefour international de théâtre de Québec. Un rendez-vous avec un des plus grands metteurs en scène de notre époque. A inscrire en lettres de feu à vos agendas.

En vingt ans de carrière, Eimuntas Nekrosius a monté une dizaine de pièces. Reconnu pour ses métaphores scéniques d’une intensité à couper le souffle, on l’a d’abord comparé à un autre maître du genre, Bob Wilson. Mais le caractère unique de son théâtre, d’une esthétique à la fois primitive, organique et éminemment moderne, lui confère une signature au-dessus de toute analogie. Nekrosius dit mettre en scène «à l’oreille». Cela donne, dans le cas de sa dernière production, une proposition théâtrale que l’on dit fulgurante, hallucinée.

Qui ne connaît pas Hamlet? Son nom a une signification qui déborde des frontières de la représentation théâtrale. Pièce la plus jouée du dramaturge anglais, l’histoire de ce prince danois renferme des trésors infinis de réflexions sur la politique, la morale, la philosophie, l’amour, de même que sur le théâtre. A la mort de son père, Hamlet voit son oncle Claudius monter sur le trône et épouser sa mère. Le spectre de son père accuse le nouveau roi de l’avoir assassiné. Vengeance à l’horizon… De toutes les époques, ce douteur magnifique qu’est Hamlet n’a cessé d’inspirer acteurs et metteurs en scène. Dans son interprétation de la pièce, Eimuntas Nekrosius pose le Danemark comme une métaphore de la récente démocratie lituanienne. Son prince des ténèbres n’a rien de mélancolique. Il en a fait un personnage intense, névrotique et flamboyant. Afin d’éviter tout cliché de jeu, Nekrosius recherchait la fraîcheur et la pureté. Il a trouvé son Hamlet dans la personne d’une rock-star lituanienne, Andrius Mamontavas. Le jeune homme, bijou à l’oreille et habillé de jeans, ne s’empêtre pas, paraît-il, dans les virgules et les détails. Il mâche et crache son texte avec brutalité et force. La mise en scène de Nekrosius fonctionne sur le changement d’état des éléments naturels: l’eau, l’air, le feu. Un Hamlet de fin de siècle, contemporain, fait de chair et de sang. Ses comédiens, à qui il demande un investissement physique extrême, évoluent dans un environnement noir, bruyant, dangereux, au rythme d’une musique lancinante. La pièce est présentée en lituanien, avec surtitres en français. Comme dans le cas des Trois Sours l’an passé, l’exercice demande au spectateur un léger effort d’adaptation durant les premières minutes. Mais n’ayez crainte, ce que Nekrosius met en scène est si puissant, si évocateur qu’on en oublie même la traduction simultanée. Les barrières de la langue disparaissent pour ne laisser place qu’au choc et à l’intensité d’un théâtre universel. Moment de grâce en perspective…

Les 20 et 21 mai
Au Palais Montcalm
Voir calendrier Carrefour international de théâtre