Sur les lieux du crime, les deux détectives sont perplexes; il y a bien un cadavre, il y a bien eu vol, mais la nature de ce vol en déconcerterait plus d’un. On doit cependant se rendre à l’évidence: seul le cerveau de la victime a disparu! Quel sinistre individu peut bien dérober le cerveau de ses victimes et surtout, dans quel but?
D’un autre côté, voilà qu’un homme et une femme se rencontrent. A chaque fois qu’ils se croisent sur la scène, ils se font amoureusement de l’oil. Quelque chose cloche pourtant: jamais la situation n’est la même. Il y a peu, c’est lui qui la courtisait et voilà que maintenant, c’est elle qui fait les premiers pas.
Possible Worlds, que présente le Carrefour international de théâtre, est une production à succès de la compagnie torontoise anglophone Theatre Passe Muraille d’un texte qu’on a comparée aux téléséries X-Files ou Twin Peaks. Au grand dam du metteur en scène, Daniel Brooks, qui ne voit là qu’une astuce de publicitaire. La pièce tourne bien sûr autour d’une intrigue dépassant les limites de la réalité visible, mais il s’agit d’un point de départ pour les préoccupations personnelles de ce mathématicien et philosophe qu’est l’auteur John Mighton. «C’est une pièce qui parle du pouvoir de l’imagination, commente Daniel Brooks; c’est aussi une réflexion sur les possibles, une métaphore sur les difficultés de l’amour, sur l’impossibilité de vraiment connaître quelqu’un à fond. Nous sommes tant de personnes différentes à la fois.»
La rencontre entre ce texte intrigant et son metteur en scène date de huit ans, alors que Daniel Brooks tenait lui-même un rôle dans une précédente production de la pièce. «Le metteur en scène de l’époque n’avait pas vraiment compris comment elle devait fonctionner théâtralement», évoque-t-il. Depuis ce rôle, Brooks est devenu ami avec l’auteur, avec qui il a pu discuter de Possible Worlds à plusieurs reprises. Lui qui déteste lire des pièces de théâtre, qui n’aime pas particulièrement s’attaquer à des textes déjà écrits, leur préférant ses propres créations ou s’immisçant dans le travail d’écriture, n’a cependant pas hésité à reprendre celui-ci. «J’ai une certaine affinité avec les thèmes de la pièce; je suis moi-même fasciné par la conscience, par les limites de ce qui est réel et de ce qui ne l’est pas.»
Pour parler de ce qui attend les spectateurs, Daniel Brooks décrit quelques-uns des choix de mise en scène qui en disent long sur le monde qu’il veut recréer: un espace de jeu très réduit, propre à la claustrophobie, un accent sur les contrastes – entre les dix-huit tableaux de la pièce, dans les éclairages -, un travail minutieux sur l’ambiance sonore et un jeu minimaliste de ses acteurs, pour bien rendre l’économie de l’écriture de Mighton. «C’est une atmosphère très proche des films noirs, de spécifier Brooks, avec son duo de flics, son scientifique fou et son intrigue qui trouve sa résolution à la fin. Et tout cela débouche sur une métaphore de la puissance créatrice de l’esprit.»
Du 22 au 24 mai
A la Caserne Dalhousie
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