D’emblée, la pièce de Phelim McDermott n’a rien qui semble vouloir charmer les foules plus qu’une autre. Brodant sur des souvenirs épars, le comédien de l’Improbable Theater évoque plus particulièrement une expérience qu’il a vécue à l’adolescence avec son copain Karl: dans sa maison désertée sise au 70 Hill Lane, à Manchester, un fantôme leur est apparu. L’anecdote fait sans doute sourire les sceptiques. Mais pour McDermott, elle appartient à cette catégorie d’expériences qui demeurent des certitudes, malgré le gros bon sens et la mauvaise foi des proches. Des certitudes que l’on garde pour soi, d’ailleurs, tant qu’à subir les sarcasmes des autres. A moins, bien sûr, que l’on ne soit au théâtre.
Car voilà le secret de cette petite pièce où un comédien seul en scène nous parle de «Polty», son phénomène paranormal à lui: tout est affaire de conventions, que McDermott sait manier avec une dextérité telle que le public n’a d’autre choix que de voyager avec lui dans ces souvenirs fabuleux. D’abord, Phelim McDermott est un garçon sympathique, aux yeux pétillants qui séduisent immédiatement leur public; ensuite, le comédien sait très bien qu’il est sur une scène, face à ce public, et il ne feint pas de l’ignorer. S’il demeure le seul à parler pendant l’heure et quelque que peut durer le spectacle, il s’adresse pourtant aux spectateurs comme on s’adresse à des confidents, sur le ton doux qu’ont ceux qui veulent faire découvrir leur jardin secret.
Mais 70 Hill Lane va plus loin que le simple rapprochement entre public et acteur; spectacle théâtral par excellence, la pièce donne à voir cet univers de l’enfance magnifiée grâce à une inventivité débordante. Pour tout décor, un praticable dans lequel on plante quatre tiges de métal; aidé de deux acolytes, McDermott déroulera tout au long de la pièce des mètres et des mètres de ruban gommé, tendus entre les tiges, et de ces manipulations apparaîtront bientôt un escalier, une fenêtre ou une maison entière. Voilà le pari le plus réussi de 70 Hill Lane: utiliser du ruban gommé, de toutes les façons possibles, pour créer l’univers scénique. Son élaboration passe parfois par des tours de force devant lesquels on demeure admiratif; mais le «démontage», si l’on peut dire, donne aussi lieu à de beaux moments. McDermott se sert des rebuts de ruban pour construire des marionnettes qui, par leur aspect flou et translucide, finissent effectivement par convaincre de l’existence des fantômes.
Du 27 au 30 mai
A la Bibliothèque Gabrielle-Roy
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