Scène

L’Hiver/Winterland : Profession de froid

Gilles Maheu ne se définit pas comme un homme du quotidien; pour lui, la vie est faite du réel d’une part et de l’onirique d’autre part. Son but, dans ses spectacles, consiste à rester le plus près possible du deuxième aspect, et le plus loin possible du quotidien. Aussi, quand le directeur artistique de Carbone 14 s’amène au Carrefour international de théâtre avec un spectacle intitulé L’Hiver/Winterland, personne n’attend de lui une vision triviale de la morte saison; Gilles Maheu n’est pas homme à mettre en scène les souffleuses, le verglas ou le pelletage de tous les jours. «Comme bien des gens, l’hiver, je lutte contre lui au lieu de rentrer dedans, explique-t-il. Pourtant, mon spectacle est très doux et surtout, sans tempête. Je montre davantage l’hiver "de l’intérieur", sans drame, comme vu à travers une fenêtre. L’hiver devient alors très beau.»

Avec L’Hiver/Winterland, Gilles Maheu termine une trilogie qu’il avait entamée avec La Forêt et Les Ames mortes, et dans laquelle il essayait d’évacuer toute notion de récit dans la représentation. «Il y avait encore des traces d’histoire dans La Forêt, admet-il, mais cette fois-ci, je voulais un spectacle éclaté comme un tableau de Jean-Paul Lemieux, un spectacle très visuel et très pictural. Je me suis refusé d’y mettre une histoire pour aller vers une peinture en mouvement.» Sur scène, on peut déjà s’imaginer un champ de neige blanche, fait d’une série de tulles au-dessus d’un plancher blanc: un espace très dépouillé qui recevra parfois des projections animées et bien sûr, ses acteurs à la gestuelle éloquente. «Je ne travaille pas la danse comme un chorégraphe mais comme un metteur en scène, doit expliquer Maheu, toujours pris avec la question de savoir si son art appartient à la danse ou au théâtre. Avec moi, quand on bouge sur scène, c’est par rapport à une action et cette action doit être liée à quelque chose de précis dans l’imaginaire de l’interprète.»

Bien sûr, qui parle de l’hiver au Québec parle aussi du pays. Maheu en était conscient lorsqu’il a nommé son spectacle: «J’ai traduit Winterland en anglais, pour rendre cette notion de pays qui est implicite chez nous à cause de la chanson de Vigneault.» Le pays, dans le spectacle de Carbone 14, se retrouve dans les thèmes que le metteur en scène aborde par couples opposés: les chamans et les curés, le sud et le nord, l’ancien et le nouveau, au point qu’un critique a pu dire que L’Hiver/Winterland offrait tout un inventaire de contradictions. Même le référendum et l’affrontement du Oui et du Non, Maheu affirme n’avoir pu passer à côté. «Il y a un principe quasi religieux dans toute cette lutte, constate-t-il. Par exemple, quand tu es un artiste, c’est être un traître que d’appuyer le Non. Comme si ça allait de soi que la souveraineté, les artistes doivent l’appuyer sans même en discuter. La religion s’est déplacée vers la politique mais elle reste toujours très présente, ainsi que le conservatisme qui va avec. Cela dit, je voulais un spectacle plus ludique, et le référendum permettait aussi d’apporter une touche d’humour.»

Les 29 et 30 mai
Au Grand Théâtre
Voir calendrier Carrefour international de théâtre