Scène

Willy Protagoras enfermé dans les toilettes : Cabinet d’errance

Il est possible que le nom de Wadji Mouawad ne vous dise rien, mais ce serait fort étonnant si vous êtes friand de la chose théâtrale. Car pour peu qu’on s’intéresse au théâtre qui se fait à l’autre bout de l’autoroute 20, on constate que l’homme en question fait figure d’incontournable de la scène montréalaise. Né au Liban, l’auteur, metteur en scène et comédien a vécu en France et réside maintenant au Québec depuis plus de dix ans. Finissant en interprétation de l’École nationale de théâtre, promo 1991, Wadji Mouawad n’a pas chômé. Il n’a pas que joué non plus. Il compte à son actif une dizaine de mises en scène, trois adaptations de romans-fleuves pour le théâtre et six ouvres dramatiques. Cette année seulement, il s’est attaqué à l’adaptation de Don Quichotte pour le TNM et a signé les mises en scène d’Odipe roi chez Denise-Pelletier et de Trainspotting au Quat’Sous. Et dire qu’il n’a même pas trente ans… Dans le cadre de la série Nouvelle Garde du Carrefour, Mouawad s’amène en ville avec Willy Protagoras enfermé dans les toilettes. Ce sera l’occasion d’assister à la création de la toute première pièce écrite par celui qui s’est d’abord mis à l’écriture pour apprendre le français…

Willy a dix-sept ans et l’appartement où il vit avec sa famille est envahi par les voisins et par une autre famille qui ne veut plus repartir. Alors Willy s’enferme dans les toilettes. Est-ce l’invasion qui le pousse dans ses retranchements? Ou peut-être une peine d’amour? Ou bien encore une remise en question quant à son travail d’artiste-peintre? «Au début, il ne sait pas mettre des mots sur ce qu’il ressent, explique Wadji Mouawad. Il est trop jeune, c’est un refus inexpliqué d’adolescent. Il ne sait que dire non; un non intuitif, qui défend sa liberté. Mais à la fin de la pièce, il saura pourquoi.» L’appartement en question est le seul de l’immeuble avec une fenêtre sur l’extérieur. Difficile de ne pas voir l’analogie avec la situation géopolitique du Liban, pays longtemps convoité en raison, entre autres, de son accès à la mer. «La métaphore a effectivement servi de point de départ, mais c’est tout, poursuit l’auteur. Ce n’est pas une pièce sur le Liban, mais plutôt sur la notion plus large de territoire. Il y a aussi les thèmes de l’amour, de la famille et de l’adolescence qui sont importants.» Sur la scène, une kyrielle de personnages qui crient, hurlent et se tapent dessus. «Beaucoup de ces personnages sont hors-normes. Ils paraîtront peut-être caricaturaux aux yeux de certains mais, pour moi, ils existent vraiment. Ils sont porteurs de l’horreur du monde. J’ai connu des gens qui étaient habités par cette méchanceté. Les personnages jeunes sont plus sobres, plus neutres. Ce sont eux qui portent le discours», conclut celui qui considère le théâtre comme un événement à créer. Un événement où on a la «responsabilité de la parole que l’on place». C’est le mandat que s’est donné O Parleur, compagnie qui nous visite pour la première fois. Un rendez-vous avec le grotesque et l’onirique.

Du 26 au 28 mai
Au Théâtre de la Bordée
Voir calendrier Carrefour international de théâtre