Le Cri du caméléon : Art poétique
Scène

Le Cri du caméléon : Art poétique

Le théâtre, on le sait, est un art hautement élastique, dont la zone d’existence s’étend désormais aux frontières de plusieurs autres modes d’expression. Dès lors, il ne faut pas se surprendre que l’un des hits du Carrefour de théâtre de Québec ne doive, en fait, que bien peu au théâtre… Sis à la croisée du cirque et de la danse, Le Cri du caméléon, mis en scène par Josef Nadj, est le type de spectacle qui suscite les «oh» et les «ah» d’un public admiratif, plutôt que le silence recueilli de spectateurs en quête de sens.

Élastiques, les interprètes de ce spectacle quasi muet (qui prend l’affiche à l’Usine C jusqu’à samedi, clôturant la série Théâtres du Monde) le sont passablement, qui virevoltent, sautent, rebondissent, se contorsionnent d’adroite façon pendant une heure trente.
Inspiré du roman Le Surmâle, de Jarry, l’énergique et cocasse show d’Anomalie Cirque Compagnie doit sa gestation à une rencontre féconde entre Nadj, un chorégraphe d’avant-garde, et dix finissants, clowns, jongleurs, acrobates, du Centre national des Arts du cirque, à Châlons-en-Champagne.

C’est le corps humain qui fait ici figure de caméléon, décomposé et recomposé selon de nouvelles perspectives, cherchant son équilibre dans un monde fou, s’agglutinant en d’improbables figures, telles des bêtes à huit pattes et à deux dos. Surgissant de derrière une boîte qui semble cacher tout un monde, les mâles interprètes, mi-acrobates, mi-esquisses de personnages dérisoires, se débattent avec des mannequins de chiffon, des balles, des quilles ou des couvre-chefs, dont ils finissent par triompher. A défaut d’une trame narrative, le spectacle possède une ossature dramatique.

Si certaines scènes, tout en bondissements et en cabrioles musclées, ne surprendront guère les amateurs de danse contemporaine, d’autres tableaux, baignant dans un léger surréalisme, soulèvent un coin de pure étrangeté, avec leurs apparitions insolites, sorties d’une boîte à surprise. Le coup d’envoi est ainsi donné par une cohorte de créatures sans tête…
Logé quelque part entre le Cirque du Soleil et Voyageur immobile, de Philippe Genty (pour l’étrangeté des personnages et la métamorphose), Le Cri du caméléon lance des coups de chapeau (melon) à Chaplin et à Magritte, des clins d’oil à Fellini et même aux personnages noirs de Tadeus Kantor.

La scène apparaît parfois chaotique, empilant les performances jusqu’à étourdir le spectateur, qui ne sait plus où diriger son regard. Le Cri du caméléon laisse, mine de rien, place à l’imaginaire de chacun. Certains n’y verront qu’un impressionnant défilé d’intrépides manouvres acrobatiques. D’autres, une délirante incursion dans un univers déroutant où une poétique de l’absurde a raison de toute logique.

Jusqu’au 30 mai
A l’Usine C
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