Bilan des Coups de théâtre : Frapper fort
Scène

Bilan des Coups de théâtre : Frapper fort

La cinquième édition du Rendez-vous international de théâtre jeune public, les Coups de théâtre, a pris fin dimanche après dix jours d’intense activité. Une programmation tous azimuts comptant quelques petits bijoux et deux ou trois déceptions. Au bilan, le directeur artistique, Rémi Boucher, parle d’un taux d’occupation des salles de 93 %, un record d’assistance. Une clientèle grand public accrue pour les représentations en soirée, qui comptent à présent pour 40 % de l’ensemble du festival, contre 60 % de matinées scolaires. Enfin, le premier forum international sur la diffusion du théâtre jeune public a dû être déplacé dans une plus grande salle, vu le nombre important de participants.

Que rêver de mieux, pour un festival de cette envergure, que de salles pleines et d’un accueil enthousiaste? Il reste que vingt-quatre spectacles, c’est beaucoup, et rares sont les festivaliers qui ont pu tous les voir. D’autant que si la plupart des spectacles étaient présentés trois fois en deux jours, d’autres n’étaient joués que deux, et même une fois. Pas le temps, pour les perles rares, de ressortir du lot. Ainsi en est-il de deux travaux d’orfèvre géniaux, qui auraient mérité une plus large audience: les touchantes Petites Histoires des Péruviens Hugo Suarez et Ines Pasic, et l’extraordinaire Tome III, de la compagnie Stella den Haag, de Hollande, gagnante, il y a deux ans, du «Z’Bing d’or», qu’on n’a pas décerné cette année mais qui lui serait sans doute encore revenu.

Cette suite aux aventures de Tom et Paule, qu’on avait admirés dans Tempête et Venise en 1996, repousse encore les frontières de la création théâtrale et de l’imaginaire. Deux comédiens magnifiques, Erna va den Berg et Peter Reijn, en interaction avec un écran de télé, réussissent à nous entraîner dans une rocambolesque équipée dans le désert, où nous passons par toutes les émotions. Impossible d’y rester insensible, c’est d’une maîtrise et d’une intelligence fabuleuses. Il faudra les faire revenir! Quant au spectacle du Théâtre Hugo & Ines, du Pérou, il est fait de rien, de jeux de mains, d’un genou, d’un pied, par des virtuoses du mime qui provoquent aussi bien les éclats de rire que les montées de larmes aux yeux. Point commun à ces deux spectacles: ils touchent enfants et adultes.
Un autre beau moment a été le spectacle des marionnettes siciliennes, Le Siège de Paris, par le Teatro Arte Cuticchio de Palerme, au Marché Bonsecours. Instant magique tout droit sorti du XIXe siècle. Ici, c’est la tradition préservée de génération en génération qui séduit. Le Manitobain Ronnie Burkett, qui présentait Old Friends, prouve qu’il y a une relève moderne. Marionnettiste d’une grande dextérité, à la bouille sympathique et aux petits personnages attendrissants, son défilé de gens âgés de toutes origines culturelles est cependant politiquement très correct, très canadien. Bien fait mais pas bien remuant.

Il en allait autrement du spectacle d’ouverture du festival, Los Mansardinos, du Alibi Collectief de Bruxelles, et des Horribles Cinq, du Landestheater Württemberg-Hohenzollern de Tübingen, deux spectacles à l’esthétique destroy quelque peu décevants. Le premier, pourtant ludique avec ses tas d’accessoires miniatures captés par des caméras vidéo mobiles, captivait l’attention mais péchait par manque de contenu. Le second, au-delà de la provocation de personnages marginaux bien incarnés, manquait de rythme et lançait un message d’espoir un peu premier degré.
Côté québécois, la production du Théâtre Le Clou, Les Nouveaux Zurbains, bien qu’inégale au niveau des textes, plaira sans doute au public adolescent auquel elle s’adresse. Quatre comédiens s’y investissent avec énergie. La metteure en scène Jacinthe Potvin signe une belle création à la scène du texte de Jean-Rock Gaudreault, Mathieu trop court, François trop long, qui montre une amitié difficile entre deux petits garçons, dont l’un est atteint du sida. Il Mentire, du Théâtre de la Vieille 17, renouvelle pour sa part la commedia dell’arte avec bonheur, en mettant en scène une Madame Pantalon et une Madame Dottore assez plaisantes. On a dit aussi beaucoup de bien des Papas, coproduction du Théâtre de Quartier et du Théâtre de Galafronie de Belgique, à laquelle je n’ai pu assister.

Des spectacles qu’on aura sans doute l’occasion de revoir… en attendant le retour des Coups de théâtre, au printemps 2000.