La Visite guidée : La flamme de l’autel
Une église superbe, un guide bougon mais sympathique et voilà que La Visite guidée, de MICHEL LEE, révèle à son public des tourments insoupçonnés dans un cadre singulier.
Une église, en fin de soirée. Un guide bougon, vieux, fatigué. Le public est là, dans la sacristie, et attend une visite qui viendra de mauvais gré, avant de déborder le cadre patrimonial pour sonder les souvenirs tourmentés d’un guide nostalgique. Telle est la pièce La Visite guidée, que signe et interprète Michel Lee dans une mise en scène de Philippe Beaufort. A l’heure où les églises désertées font face à un sort incertain, l’auteur et comédien choisit de s’en approprier une et d’en faire le théâtre – et c’est là un contraste réussi – de passions moins catholiques.
La visite en question demeure un point de départ qui mène vers des considérations autres. Michel Lee, vieilli et blanchi pour l’occasion, propose bien à son public quelques éléments d’information qui font mieux connaître l’église Saint-Jean-Baptiste, ce joyau du patrimoine sis en plein cour de Québec. Mais passés l’orgue majestueux, la chaire de marbre et les bois sculptés, la pièce tend davantage à traiter des problèmes d’identité de ce guide harassé. Témoignage intime que le sien: jadis attiré par la prêtrise, il doit abandonner l’idée pour cause d’homosexualité, le clergé de l’époque lui opposant un refus aussi catégorique que blessant. Féru de théâtre et de décorum religieux, c’est un étrange individu qui nous fait découvrir autant ce lieu de culte que ses démons intérieurs à peine apaisés. Il a beau paraître âgé, le guide, son émoi demeure celui d’un homme qui n’a pas encore appris à vivre sereinement.
Reste que le propos de la pièce dépasse aisément la question homosexuelle et touche au malaise d’une âme blessée, d’une solitude sans ressource. Loin de revendiquer quoi que ce soit, la pièce de Michel Lee s’avère un cri dans la nuit, un appel qui veut être reconnu. Paradoxalement, cette détresse évoquée du jeune homme qui se découvre différent s’accompagne d’un discours nostalgique, voire réactionnaire, sur la religion. En effet, ce guide lyrique s’attarde complaisamment sur le faste de la pratique religieuse d’avant Vatican II.
Mais c’est toutefois dans son approche que La Visite guidée frappe le plus: puisqu’il s’agit d’un tour de groupe, le public déambule dans l’église plongée dans l’ombre. Seule la torche électrique du guide, aidée ponctuellement de projecteurs, découvre parcimonieusement le décor. Il faut voir les effets renversants qui en résultent, lorsque par exemple le guide s’agite sur un dossier et que son ombre, immense, répète ses gestes amplifiés au fond de l’édifice.
La pièce de Michel Lee n’est pas sans défauts et son témoignage, tout poignant qu’il soit, s’accommode parfois mal de transitions abruptes. Mais sa démarche théâtrale, simple comme tout, est d’un effet percutant. Personnage et spectateurs piétinent allègrement les conventions dans un rapprochement exemplaire qui tourne souvent au dialogue. Et ce lieu magique qu’on nous découvre en lui gardant son mystère, en plus de ce guide fragile que Michel Lee rend si sympathique, ont de quoi faire de cette pièce une visite à ne pas manquer.
Jusqu’au 28 juin
A l’église St-Jean-Baptiste
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