Stéphane E. Roy : Double vie
Scène

Stéphane E. Roy : Double vie

Le communiqué de presse annonçant les premières représentations de La Capitulation, au mois de mai, avait un petit quelque chose de provocateur et de loufoque qui pouvait presque laisser croire à un canular. Ce n’est pas le cas. Il s’agit d’une pièce ou, mieux, d’un «essai théâtral humoristique» signé Stéphane E. Roy. Du théâtre sur le théâtre, une sorte de dénonciation du théâtre hermétique sur un mode comique, léger mais avec un fond sérieux. Atmosphère de théâtre d’été à La Licorne: le Théâtre du Grotesque et du Sublime récidive à compter de ce soir, jusqu’à samedi.
Comme pris entre deux feux, l’auteur de La Capitulation se partage entre l’humour et le théâtre. Membre fondateur des Bizarroïdes, Stéphane E. Roy déplore les catégorisations trop rapides: «Je suis vu comme un humoriste par les gens de théâtre et comme un théâtreux, ou un comédien, par les gens du milieu de l’humour. Je me souviens qu’un de mes professeurs à l’UQAM m’avait dit: "Un jour, il va falloir que tu choisisses entre faire le clown et faire des choses sérieuses." Au Québec, on met trop facilement les artistes dans un moule; je pense que je suis plus complexe que ça.»

En effet, ce touche-à-tout de 30 ans, qui travaille comme concepteur-rédacteur dans une grande agence de publicité, a jadis fondé l’Adam, l’Association des artistes multidisciplinaires; puis la L.I.M., la Ligue d’improvisation montréalaise, qu’il préside toujours. Il a également ouvré au défunt Théâtre Les Loges, y faisant jouer sa première pièce, Le Grenier. Son succès avec Les Bizarroïdes, «qui continuent même si les gens pensent qu’on a arrêté», font des tournées en Europe et ont notamment passé neuf mois en Allemagne, ne l’a pas éloigné du théâtre.
«L’idée de départ de La Capitulation m’est venue un soir de première d’un show d’humour, raconte-t-il. Je vivais alors une peine d’amour et j’avais de la difficulté à jouer. Et je me suis dit: un comédien peut capituler devant un texte s’il est submergé par ses émotions. Qu’est-ce qui arrive si le spectacle dans lequel il joue raconte justement une peine d’amour?» A partir de cette idée, et dans l’optique d’une critique d’un certain théâtre qui se prend très au sérieux, Stéphane E. Roy a imaginé l’histoire d’une jeune troupe de théâtre dont le spectacle floppe lamentablement.

Mais pourquoi la compagnie qui présente ce spectacle autogéré s’appelle-t-elle le Théâtre du Grotesque et du Sublime? «Ça vient d’une préface de Victor Hugo, qui expliquait qu’au théâtre, les personnages sont trop sublimes: il y a les clowns et il y a les sublimes, et rarement vois-tu quelqu’un de sublime faire une connerie, comme s’enfarger ou dire une stupidité. Je suis parti de ça, et ça m’a tellement motivé que les trois pièces que j’ai écrites portaient là-dessus. Ainsi, j’ai créé un personnage qui est touchant mais raciste et con: en l’écoutant, tu sens qu’il est con, mais en même temps il t’a touché et c’est troublant.»

Monté avec peu de moyens, La Capitulation est un spectacle bon enfant, avec un côté happening, interactif, qui a été très bien reçu en mai. «On joue sur tous les éléments du théâtre, dit Stéphane E. Roy, qui partage la scène avec Stéphane Franche, Martin Rouleau et Marc Bélanger: l’auteur, le metteur en scène, la production, la technique, les répétitions. La troupe, c’est une méchante gang de paumés: ils reviennent de quatre ans en Europe, où ils ont étudié en Russie, rencontré des gens et monté des shows; et là, ils viennent présenter leur premier spectacle au Québec, et ils se rendent compte que ça ne va pas comme ils veulent.» Et le public y reconnaît sans doute quelque chose, lui qui rit à s’en tenir les côtes…

A La Licorne
Les 18, 19 et 20 juin
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