Grease : Rose nanane
Scène

Grease : Rose nanane

Oui, je l’avoue bien honnêtement: j’avais des préjugés en me rendant à la première de Grease, mercredi dernier, à la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau. Il faut dire qu’en matière de comédies musicales «made in Québec», nous n’avons pas été très choyés récemment. Et le souvenir de i, la création de Marc Drouin retirée de l’affiche sans tambour ni trompette, l’hiver dernier, portait encore ombrage à l’expertise québécoise en matière de musical.

Or, j’ai passé une bonne soirée. Cette adaptation québécoise de Grease, d’Olivier Choinière et de Denis Bouchard, dans une mise en scène de ce dernier, et mettant en vedette le couple médiatique de l’heure, Marina Orsini et Serge Postigo, est un excellent show d’été. C’est-à-dire un spectacle à la fois léger et professionnel, enlevant et rigoureux, dont les nombreuses qualités artistiques finissent par compenser le manque de contenu. Enfin, on ne peut pas toujours réinventer la roue…

La pièce écrite par Jim Jacobs et Warren Casey, en 1973, a conquis bien des publics à travers le monde. C’est une valeur sûre, comme en témoigne le succès du film réalisé en 1978, avec les John Travolta, Olivia Newton-John et Stockhard Channing. Ce qui explique que près de 30 000 billets aient été vendus avant la première.

Reste qu’on ne crée pas un événement en tablant uniquement sur la réputation d’une ouvre. Il faut aussi que la production soit de calibre à soutenir la comparaison. Ce Grease produit par Allan Sandler et Marc Poulin réussit le test grâce au bon travail de l’ensemble de l’équipe: de l’excellente direction musicale d’ O’Neil Langlois aux chorégraphies réglées au quart de tour de de Dominique Giraldeau, en passant par l’interprétation plus que convenable des 14 acteurs-chanteurs.

Bien sûr, on distingue parmi ces derniers ceux qui ont une formation vocale de ceux qui ont d’abord une expérience de jeu. Mais cela ne choque pas. Certes, Marina Orsini n’a pas la plus belle voix du monde. Mais son rôle (Betty Rizzo) ne nécessite pas de véritables prouesses de la voix. (D’ailleurs, les comédiennes qui ont défendu ce personnage à Broadway, dont Brooke Shields et Rosie O’Donnell, ne sont pas non plus de grandes chanteuses.) Tout le reste – le tempérament, la drive, le côté bitch, la présence sur scène, le timing – Marina Orsini le possède et le rend à merveille. Quant à Serge Postigo, il s’avère lui aussi un Danny Zucco juste et très crédible tant au niveau de son jeu que du chant. Une des plus belles voix de cette affiche reste celle de la soprano Brigitte Marchand (Les Leçons de Maria Callas, Le Pays dans la gorge…). Malheureusement, la comédienne n’a pas le charisme qu’il faut pour nous faire croire à la conversion de Sandy… Et, du coup, c’est toute l’idylle entre Sandy et Danny qui en prend pour son rhume.

Du côté des surprises, mentionnons celle du jeune acteur Patrick Olafson-Hénault qui livre un véritable tour de force en interprétant la chanson Accords magiques. Joël Legendre, dans un rôle secondaire, s’avère aussi un interprète qui maîtrise très bien tous les arts que nécessite la comédie musicale (le chant, la danse, le jeu..). Et Michèle Deslauriers compose une Miss Lynch hilarante et caricaturale.

A défaut de proposer une véritable lecture de Grease (chose impossible pour une ouvre du genre qui flirte avec le degré zéro de l’écriture scénique…), Denis Bouchard a mis en scène un show rythmé, coloré et sans longueurs. Avec sa traduction, Olivier Choinière a pris le parti de l’américanité des Québécois, et décidé de laisser des mots et des refrains en anglais en plus des expressions américaines courantes.
Bref, voilà du bonbon que les producteurs offrent au public cet été. Si le divertissement vous intéresse, allez-y et ne boudez pas votre plaisir.

Jusqu’au 15 août
A la salle Pierre-Mercure
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