ET AINSI DE SUITE… : Scènes de ménage
Il y a théâtre d’été et théâtre d’été… Se produisant dans un centre culturel de Châteauguay, site qui n’a rien d’enchanteur ni même d’estival, le Théâtre Quatre/Corps a beaucoup de mérite à y attirer un public en lui proposant un théâtre somme toute plus exigeant que celui qu’on nous offre un peu partout ailleurs. Son spectacle, Et ainsi de suite…, composé de cinq courtes pièces d’Anton Tchekhov tournant autour du thème du mariage, incite davantage au sourire de connivence qu’aux grands éclats de rire. Porté par une équipe dynamique dirigée par le metteur en scène Igor Ovadis, il comporte quelques beaux moments, surtout en deuxième partie.
Tchekhov lui-même disait de ses pièces, y compris ses drames comme La Mouette, Oncle Vania ou Les Trois Sours, qu’il s’agissait de comédies. Remarque qui paraît un peu provocatrice mais avec un fond de vérité, le tragique de l’existence humaine s’y révélant souvent sous la surface comique. Ses courtes pièces présentées ici, Le Fiancé et le Papa, Une demande en mariage, Une noce, Les Méfaits du tabac et L’Ours, toutes des ouvres de jeunesse sauf erreur, sont à première vue destinées à la rigolade. Il semble pourtant que c’est en les jouant avec rigueur et sérieux, non en voulant faire rire à tout prix, qu’on parvient à en extraire le suc humoristique. Ce que l’équipe réussit le plus souvent.
Le spectacle s’amorce bien avec la courte saynète Le Fiancé et le Papa. L’ouvre met en présence, dans un huis clos de plus en plus étroit, un jeune homme (Stéphane Gagnon, précis dans la montée de la tension) qui voudrait quitter la maison de son hôte, et ce vieillard (Francis Soucy), père de sept filles, qui tente de retenir le fiancé potentiel en rejetant tous ses autodénigrements. Suit Une demande en mariage enlevée dégénérant en chicane de voisins, lorsqu’un jeune propriétaire terrien (Soucy à nouveau, étonnant de candeur), venu demander la main de la fille (Roxanne Boulianne) du voisin, se met à revendiquer ses droits de propriété…
Dans le troisième morceau, qui clôt la première partie, Une noce, on assiste à une réception de mariage chez des petits-bourgeois qui, voulant faire de l’épate, ont invité un général, qui se trouve être un imposteur. Outre le fait que les textes de Tchekhov sont très verbeux, on a péché un peu, dans celui-ci, par excès d’effets sonores, de cris, d’accessoires, de costumes et de masques, qui, tout attrayants qu’ils soient, ne servent pas le propos mais contribuent à l’obscurcir. D’autant plus que l’acoustique difficile de la salle nous fait perdre une bonne partie des dialogues.
Les deux moments forts du spectacle viennent en seconde partie, avec le monologue Nocivité et Méfaits du tabac, où brille un comédien en pleine maturité, Claude Lemieux. Poussé par sa femme autoritaire à présenter une conférence sur les méfaits du tabac, un mari malheureux saisit l’occasion pour s’épancher sur les effets désastreux de la vie conjugale. En contrôle, le comédien multiplie tics nerveux, fous rires, quintes de toux qui confèrent à son personnage une humanité drôle et pathétique. Enfin, L’Ours met en scène une veuve éplorée et un moujik venu réclamer la dette du mari défunt. Roxanne Boulianne s’y distingue par la tenue, la diction, la justesse des émotions. Stéphane Gagnon, qui n’a pas tout à fait la stature du paysan déchaîné, a cependant dans les yeux tout le feu du coléreux qui se transforme en amoureux… Bonne conclusion à ce spectacle inégal mais digne d’intérêt.
Au Centre culturel Vanier
Jusqu’au 15 août
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