Silence en coulisses : L’envers du décor
Son emplacement magnifique au bord de l’eau, son restaurant-terrasse avec vue sur la marina, où l’on peut accueillir les cinq cents personnes qui assisteront au spectacle, font du Théâtre des Cascades une sorte de Rolls Royce des théâtres d’été. Les moyens de la compagnie, dirigée par Francis Reddy, lui permettent de faire appel, pour Silence en coulisses, à un maître de la mise en scène, Serge Denoncourt, qui y joue aussi son propre rôle, et à une «brochette» de vedettes et excellents comédiens: Pierrette Robitaille, Raymond Bouchard, Donald Pilon, Louise Bombardier, Antoine Durand, entre autres. La pièce, énorme clin d’oil au théâtre, regorge d’éléments comiques; on y passe une excellente soirée.
L’atmosphère bon enfant règne et, d’entrée de jeu, le metteur en scène nous prévient que nous allons assister trois fois à la même «maudite pièce». En effet, Silence en coulisses, de l’auteur britannique Michael Frayn, traduite et adaptée par Josée La Bossière, met en scène une troupe d’acteurs en plein travail. Le tout débute un soir de répétition générale, la veille de la première d’une pièce de boulevard français typiquement «théâtre privé»; il est passé minuit et les choses ne vont pas trop rondement. Assis dans la salle, le metteur en scène doit multiplier ses interventions; il s’adresse alors aux comédiens par leur véritable prénom: Pierrette, Donald, etc. Déjà, la gaucherie appuyée, le contraste entre l’accent parigo emprunté et la familiarité créent l’hilarité.
Après quarante-cinq minutes de ce traitement qui nous a fait connaître l’objet théâtral sur lequel l’équipe s’acharne, ainsi que le type de relations personnelles vécues entre ses membres, le metteur en scène décrète qu’on s’arrête au premier acte, vu l’heure tardive. C’est ce premier acte qu’on verra trois fois. On fait alors pivoter le décor et on se retrouve un mois plus tard. Cette fois, nous assisterons au spectacle des coulisses. Nous entrons alors dans la vie privée des protagonistes, où se nouent et se dénouent les idylles et les jalousies, où tous les coups bas sont permis et, il faut dire, quelques gags faciles.
Champion des mises en scène chargées, où des actions à la dizaine se déroulent en même temps sur la scène, Serge Denoncourt a mis le paquet dans ce second volet et la mécanique, bien huilée, fonctionne. On joue sur la logique théâtrale du show must go on quoi qu’il arrive: disputes, blessures, soûlerie de l’un, déprime de l’autre ne doivent en aucun cas interrompre le déroulement du spectacle. Devant le désastre appréhendé, le metteur en scène, venu assister au show, incognito, s’en mêle et c’est un feu roulant de quiproquos, d’imprévus, de jeux drôles.
Puis, c’est l’entracte et, au retour, trois mois plus tard, les comédiens reprennent la pièce, pour la xe fois en tournée, et rien ne va plus. Blasés, exténués, en guerre les uns contre les autres, ils exécutent la pièce dans le désordre, mélangeant ou inventant les répliques, multipliant les fausses entrées et sorties. Si l’effet répétitif peut lasser à ce stade, le talent des Louise Bombardier, vive et nuancée: Pierrette Robitaille, cabotine à souhait; Louise de Beaumont en cocotte qui joue sa partition sans déroger quoi qu’il arrive; Antoine Durand, naïf et athlétique; tout cela a vite fait de nous rattraper. Un bon mot aussi pour Denoncourt, le comédien – il joue en alternance avec Michel Laperrière. Polyvalent, Denoncourt n’hésite pas à déculotter l’homme de théâtre sérieux.y
Jusqu’au 5 septembre
Au Théâtre des Cascades
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