Parmi les jeunes humoristes appelés à prendre la relève des vedettes consacrées, Guy Nantel, fort de la notoriété conférée par sa victoire à l’édition 93-94 de La Course Destination Monde, avait réussi à susciter l’intérêt avec son premier one-man-show l’an dernier au Gesù. Il revient au Cabaret, dans un spectacle remodelé, où de nouveaux numéros s’ajoutent aux anciens, offerts dans une nouvelle interprétation. Baveux sympathique, il donne, à la manière d’Yvon Deschamps, dans la raillerie sociale. A son meilleur dans les blagues unpolitically correct, il compose aussi de touchants personnages.
Prenant pour point de départ, comme en guise de présentation, l’expérience vécue grâce à la célèbre émission de la SRC, Guy Nantel nous entretient d’abord des voyages, et des chocs culturels qu’ils provoquent. Cela donne lieu, à côté de traits un peu faciles sur les Chinois ou les Indiens, à des réflexions justes et mordantes sur les petits travers des Québécois. Le parallèle entre le musulman marocain qui tente de dompter sa femme en public et les femmes battues, invisibles, au Québec, porte bien. Les histoires de douaniers et de drogues aussi. On aimerait cependant que l’humoriste y aille davantage d’anecdotes personnelles véridiques.
L’une des forces de Guy Nantel tient dans sa bouille de garçon souriant, familier comme un petit cousin. Il en joue à fond, n’hésitant pas à improviser, à échanger avec le public, établissant dès le départ un contact qu’il maintient durant l’heure et demie de la représentation. Son insistance cependant à souligner la lenteur de l’auditoire à «comprendre» des gags pas très subtils ne suffit pas à masquer le manque de drôlerie de ceux-ci. Le monologuiste alterne ses interventions avec les numéros sur vidéo de son mononc’ Raoul, projetés sur écran: ce dernier, à l’ancienne mode – raciste, sexiste, homophobe – fait crouler de rire la salle…
Les numéros de composition comme celui-là, et ceux du détenu et de l’itinérant permettent à l’humoriste d’exploiter ses réels talents de comédien. Sa pointe sur les directeurs de festivals d’humour croisés en prison, et son imitation, courte mais punchée, de Jean-Marc Parent, laissent deviner qu’il pourrait être encore plus virulent. Tout de même, avec ses nombreux gags sur le sexe, la société de consommation et la télévision, Guy Nantel montre qu’il sait tenir une salle avec autre chose que des blagues à rire gras. On ne peut que l’encourager à aller plus loin dans la critique de ses contemporains.
Guy Nantel
Au Cabaret du Musée Juste pour rire
Jusqu’au 25 juillet