The Underdogs : Scène politique
Scène

The Underdogs : Scène politique

Avec The Underdogs, les Anglos prenent leur revanche sur le nationalisme québécois. Ils imaginent un Québec indépendant aussi absurde que Lucien Bouchard pactisant avec Preston Manning. Drôle de théâtre.

Pour le commun des mortels, l’enfer est un lieu imaginaire et extraterrestre destiné au supplice des damnés. Pour les anglophones de Montréal, l’enfer, c’est le Québec indépendant. Si une communauté peut passer du paradis à l’enfer en perdant un référendum par seulement quelques votes, l’Apocalypse n’est pas loin…

Ce scénario du pire, le dramaturge westmountais, William Weintraub, l’a imaginé pour sa pièce The Underdogs, présentée jusqu’au 2 août dans le cadre de Just For Laughs. A la première, jeudi dernier, le Tout-Montréal anglo s’était pointé à la salle du Gesù. Dans l’ensemble, ils se sont bien bidonnés, les Mordecai Richler, Bill Jonnson et Cie, avec des sujets qui, habituellement, les irritent: la politique de la langue d’affichage, les ministres péquistes, Le Devoir, La Presse, Gilles Proulx et les chansons de Gilles Vigneault.

La scène se passe après l’an 2000, dans la République du Québec, vingt ans après le Jour J survenu au bout de «huit référendums et 254 ans, quatre mois, onze jours d’humiliation anglosaxonne», lance ironiquement un personnage. Adieu Cavendish Mall, Holt Renfrew, Schwartz et Moishes…Dans The Underdogs, les «Angloniens» sont devenus les nègres blancs d’Amérique. A l’ouest du boulevard Jacques-Parizeau (jadis Saint-Laurent), on vit chichement, en citoyens de deuxième classe. Les frontières sont fermées. Impossible donc de franchir l’Outaouais. Entre la révolte et la résignation, les personnages de The Underdogs, survivent, parlant anglais seulement à domicile – une maison de chambres délabrée du ghetto -, et n’ayant même pas assez d’argent pour se payer du papier de toilette…

Les plus téméraires vont joindre les rangs de l’Anglo Liberation Army (ALA), dont le symbole est l’apostrophe que l’OLF a arrachée à la bannière d’Eaton et de Bens. Voilà pour l’état d’esprit dans lequel se trouvent les laissés-pour-compte (underdogs en français) de Weintraub, alors que Colette Cousineau, anthropologue de métier, arrive pour étudier les us et coutumes de «la tribu anglaise». Du moins officiellement… Car, en vérité, elle doit démasquer les membres du ALA pour les envoyer en camp de rééducation politique à Chicoutimi. Mais, comédie oblige, l’espionne de la Police politique va s’attacher aux Angloniens, particulièrement à l’un d’entre eux. Et le mariage des deux solitudes n’a plus qu’à être consommé…

De Médium saignant à Si la tendance se maintient, plusieurs dramaturges francophones ont puisé dans le théâtre de notre schizophrénie politico-culturelle pour écrire des pièces. En cela, William Weintraub a tiré amplement matière à raillerie pour écrire sa satire de notre désopilant paysage politique. Mais encore faut-il maîtriser l’art de la satire. Savoir être à la fois caustique et sensible et, surtout, transcender la réalité afin de proposer un univers distinct de celui dans lequel nous cafouillons tous les jours.

Malheureusement, l’écriture de The Underdogs n’a pas assez de mordant. Certes, la pièce fait rire. Ses situations frisent parfois habilement l’absurde (comme ce jeu-questionnaire que l’on fait passer à une anglophone désirant avoir son «certificat de pureté linguistique», et où elle doit réciter des vers d’Octave Crémazie et d’Albert Ferland!). Malgré son ingéniosité, la pièce n’arrive jamais à nous surprendre. Cela ressemble à un bon mais (trop) long sketch de Bowser & Bleu. La mise en scène naturaliste de Joel Greenberg est trop sage à mon goût. Les comédiens jouent dans l’ensemble honnêtement.

A l’image du décor couvert de découpures de journaux accrochées sur des cordes à linge, le texte de William Weintraub colle trop à l’actualité. La politique devrait être la toile de fond et non l’essence de la satire. Dommage.

Jusqu’au 2 août
A la salle du Gesù