Maxim Martin : Grand cru
Scène

Maxim Martin : Grand cru

Son premier one man show, Tolérance zéro, a été un des temps forts du Festival Juste pour rire. Encore au Cabaret pour quelques représentations, MAXIM MARTIN casse la baraque avec son style direct et ses textes solides. Punché.

Un gars, un micro, un texte. Point à la ligne. Pas de personnages, pas de costumes, pas de faux-semblants. Avec Maxim Martin, on redécouvre à quel point ça peut être efficace; à quel point l’humour consiste avant tout à prendre son matériel à bras-le-corps, sans faire de quartier. L’humour carré et costaud du jeune homme a fait un effet bouf au Festival Juste pour rire.

En fait, on a envie de pousser un soupir de soulagement, voire de libération, en sortant de Tolérance zéro, son premier one man show: enfin! C’est que Maxim Martin, voyez-vous, a ce singulier talent de ne pas tourner autour du pot. Il cible droit et juste, là où trop de ses collègues ont coutume de ménager la chèvre et le chou, de flatter dans le bon sens du poil un public auquel ils se contentent de donner ce qu’il attend. Avec ses manières directes, Martin tranche forcément sur la mollesse ambiante. Même si certains trouveront qu’il pourrait aller plus loin – tout est affaire de point de vue…

On avait déjà pu savourer son franc-parler dans Zone interdite, présenté à quatre bouches au même Festival. Mais ici, l’humoriste donne la pleine mesure de son talent brut. Son style droit au but est d’une efficacité redoutable; sa présence scénique, très assurée. Malgré les quelques trous de mémoire dont il était affligé ce soir-là, et dont il s’est bien dépêtré, Maxim Martin contrôle très habilement la salle.
Connaissant très peu de temps morts, de pannes sèches du rire, son spectacle enfile habilement des textes, peut-être pas d’une grande originalité, mais généralement très solides. Des monologues, tous assumés au «je», qui explorent assez en substance quelques thèmes, au lieu de la sempiternelle succession décousue de one-liners. Si ses interventions chez le psy, qui lient formellement le show, apparaissent parfois un peu convenues, Martin frappe dans le tas et dans les tas (son numéro sur l’«épaïsme»), faisant souvent mouche. Coup de chapeau au texte sur le piéton qui suit une femme, la nuit: un petit bijou d’observation.

Qui dit franc-parler, dit sexe. Le show se clôt, comme il se doit, sur un texte des plus salés. «Parlons de cul»: Martin met d’emblée cartes sur table, annonçant un numéro pas piqué des vers où il fera, notamment, l’apologie de la masturbation, avec gestuelle à l’appui. Attention, on n’est pas dans Seinfeld. Ici, pas de périphrases; les choses ont un nom et c’est celui-là que Martin utilise, refusant les tabous inutiles.

Tolérance zéro avait aussi débuté sur une note audacieuse, interpellant le public: «Nous, les Québécois, on est un peuple raciste. Une minorité qui n’aime pas les minorités.» Y a-t-il des épais dans la salle? demande Martin. Rires. Rapidement, l’humoriste conclut qu’on rit toujours en pensant aux voisins, et que «les épais sont allés voir d’autres shows».
Une fois établi que les spectateurs ne portent pas le chapeau d’un humour agressif (et il faut avouer qu’ici, le public d’humour n’est guère habitué à être confronté dans ses certitudes), Maxim Martin ne poursuit pas vraiment dans cette veine provocatrice. Ne confondons pas les genres: plus qu’un vrai provocateur social, qui mord dans son public, ou qui prend le contrepied de ses opinions pour susciter une réaction, à la manière Deschamps, l’humoriste dit simplement ce qu’il a à dire, sans s’encombrer de gants blancs – pas son style. C’est son langage, d’une verdeur dénuée de fausse honte, qui est susceptible de «choquer» certaines oreilles sensibles, plus que les idées exprimées.

En fait, Maxim Martin est même moraliste, à sa façon. Comme tout stand-up comic qui se respecte (une façon de se tenir debout, après tout…), il a ses coups de gueule. Il admet qu’«on est épais, nous les gars»; s’étonne devant certaines mours sexuelles déviantes, comme le sadomasochisme ou la nécrophilie, s’indignant carrément devant l’inceste («Si le pénis de ton chum goûte le pablum, allume!» lance-t-il sans ménagement aux mères aveugles); fait l’éloge du pot en avouant que certaines de ses blagues ont été écrites «sous influence»; s’inquiète devant l’état de la planète; dénonce les infopubs; parle de la bagatelle sans vergogne, mais expédie en trois phrases la politique («un tas de marde»), sur laquelle il tient le langage défaitiste de ses pairs… Bref, un discours somme toute pas si surprenant dans la bouche d’un gars de sa génération (la dénommée «X», celle qui ne peut revendiquer aucun leader «qui vaille la peine d’être tiré»…). Mais un discours qu’on n’a guère coutume d’entendre sur nos scènes, particulièrement livré avec une assurance aussi baveuse et sans compromis.

Ce n’est peut-être pas la révolution comique qui frappe à nos portes. Mais c’est en tout cas un vigoureux vent de fraîcheur qui réjouira tous ceux qu’un humour trop mollasson a fini par endormir. Quelque chose comme un pavé dans la mare trop tranquille du rire quotidien.

Supplémentaires du 5 au 7 août
Au Cabaret du Musée Juste pour rire
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