Des grenouilles et des hommes : Pot-pourri
Avec Des grenouilles et des hommes, du théâtre musical porté par les succès des années 70, MICHEL DUCHESNE mélange chansons et nostalgie dans un cocktail qui n’est pas sans évoquer certains films récents. Mais il manque un ingrédient essentiel pour faire lever cet hymne à l’amour: un bon texte…
La première pièce signée par Michel Duchesne, l’été dernier, n’était pas passée inaperçue: Tricoté serré a raflé le Masque de la meilleure production du «théâtre privé»… au nez et à la barbe du Théâtre Juste pour rire. Cette saison, le jeune auteur récidive au Théâtre d’Eastman avec Des grenouilles et des hommes, un divertissement léger qui tente maladroitement d’injecter un peu de fantaisie à la sempiternelle recette du théâtre d’été.
Comment? En reprenant grosso modo le procédé qui a fait le charme de films tels On connaît la chanson et Everyone Says I Love You: aux moments stratégiques, afin d’exprimer leur état d’âme, les personnages se mettent à pousser la chansonnette, essentiellement des hits tirés du répertoire québécois des années 70 (merci à Stéphane Venne, notamment). Mais, hélas! la pétillante légèreté ou les dialogues intelligents de ces ouvres en moins.
L’intrigue – un bien grand mot – des Grenouilles et des hommes s’organise autour de la rencontre et de l’union amoureuses.
Fâchée contre son beau (Jacques Girard) après une dispute mémorable, la vigoureuse Sylvie (Pauline Lapointe, dans son rôle habituel de femme tonitruante) décide de lever le camp et de lui chercher une épouse de remplacement.
Malheureusement, la seule candidate à se présenter (Nicole Leblanc) est rapidement séduite par le fringant beau-père (André Montmorency), au vocabulaire plein de verdeur.
Ça ne s’améliore pas du côté des enfants du couple. Paraissant tout droit sortie des Précieuses ridicules de Molière, la jeune première (Brigitte St-Aubin), qui s’exprime à coups d’alexandrins pompeux, résiste dédaigneusement à son prétendant (Frédérick de Granpré), un sauveteur costaud qui rassemble tous les poncifs du beau lifeguard: fanfaron, inculte, vaguement niais, et macho comme un concentré de testostérone sur deux pattes. Quant au cadet de la famille, un adolescent à l’imagination débordante (Miro), il promène sa dulcinée dans un bocal: une grenouille qu’il lui suffira d’embrasser, claironne-t-il, pour qu’elle se transforme en princesse charmante… L’auteur-entremetteur – qui s’amuse occasionnellement à faire dans la rime, ce qui confère un petit ton artificiel à son texte – va donc jouer les Cupidon auprès de tous ces couples improbables.
Il y a de la nostalgie dans l’air: l’ensemble respire la décontraction, l’état d’esprit naïf des années 70. Si la troupe, drapée dans les costumes colorés de Mireille Vachon, communique parfois un enthousiasme contagieux lors de certains numéros à l’humour bon enfant, le texte est décidément trop décousu et insipide pour accrocher pendant deux heures. Voilà un joyeux fourre-tout, où l’auteur enfile réplique creuse après blague facile. La mise en scène, plutôt molle, d’André Montmorency aurait peut-être dû pousser l’aspect parodique du spectacle. Tel quel, sans le rythme serré qu’offrent généralement les boulevards décérébrés, mais amusants, de la saison estivale, et sans un texte solide pour soutenir l’édifice, Des grenouilles et des hommes apparaît plein de trous et de longueurs.
Heureusement qu’il y a les chansons, des tubes généralement entraînants, qu’on prend plaisir – avouable ou pas – à réentendre: Le Monde à l’envers, Le temps est bon, Le Sable et la Mer, Et c’est pas fini… Pour un, Jacques Girard surprend agréablement dans l’interprétation d’Avant de te dire adieu, entre autres. On lui souhaite d’autres comédies musicales, plus étoffées.
Car ce spectacle le prouve amplement: on ne transforme pas une simple grenouille en princesse avec des chansons…
Jusqu’au 29 août
Au Théâtre d’Eastman
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