Icaro : Les ailes du désir
Scène

Icaro : Les ailes du désir

Le comédien et clown italo-suisse Daniele Finzi Pasca était passé chez nous comme un éclair, à l’automne 97. Cinq petites représentations. Juste le temps de faire connaître sa bouille rêveuse et de happer sous son charme les happy few qui ont eu la chance de voir son attachant (quasi) solo, Icaro. Mais pas suffisamment longtemps pour faire le plein de spectateurs. Le voici de retour à l’Usine C, où Icaro prend son envol, le 25 août, pour trois semaines.

Grand bourlingueur, Daniele Finzi Pasca a déjà présenté son spectacle, créé à Milan en 1991, plus de 350 fois à travers le monde, et en six langues, s’il vous plaît. L’artiste de 34 ans n’est pas un comédien comme les autres, comme en témoigne son itinéraire, qui mêle performances de rues à travail social bénévole, toutes expériences dont Icaro s’avère le fruit ultime.

D’abord formé à l’art du clown, performant dans les rues, Daniele Finzi Pasca s’envole rapidement, à l’âge de 19 ans, pour

Calcutta, afin d’ouvrer aux côtés de mère Teresa. Son séjour dans ce mouroir, où l’artiste apprend à étreindre les agonisants afin de leur apporter un peu de réconfort, donne naissance à sa conception du théâtre, sensible et humaniste: le teatro della carezza (le «théâtre de la caresse»), un art de la présence, axé sur le toucher. En 1986, de retour à Lugano, le clown fonde le Teatro Sunil (du nom d’un enfant de Calcutta que Pasca avait accompagné jusqu’au seuil de la mort), sous la bannière duquel ont déjà été créés une vingtaine de spectacles.

En 1989, en bon objecteur de conscience, l’artiste suisse refuse le service militaire, obligatoire au pays des banques, et échoue donc en prison. Il profite de cet enfermement forcé, d’une durée de deux mois, pour écrire une parabole sur la liberté: Icaro, maillon d’une trilogie sur le thème de la fuite. A l’origine, Icaro est conçu pour un seul spectateur (disons un enfant malade), un concept un peu difficile à mettre en ouvre sur une longue période. Daniele Finzi Pasca décide donc de transporter ce concept intimiste sur scène, inventant du coup le théâtre de chambre pour large public, un concept audacieux qui met en abyme le rapport fondamental entre le comédien et le spectateur.

Star d’un soir
Spectacle pour un acteur et un spectateur, Icaro s’ouvre dans la salle: après un petit prologue sympathique, Daniele Finzi Pasca arpente les rangées, en quête d’un partenaire potentiel (pas trop lourd, de préférence…). Un moment toujours inquiétant pour le public, habitué à être confortablement tapi dans l’ombre… Avec générosité et tendresse, le comédien partage la scène avec ce compagnon d’infortune, qui doit camper un malade (voyez plutôt le costume…) cloué sur un lit d’hôpital. Finzi Pasca incarne lui-même un patient confiné dans cet hôpital depuis trois ans, et qui rêve d’évasion. Afin de distraire son nouveau compagnon de chambre de sa souffrance, l’italophone lui raconte son histoire dans son français chantant et se fait fort de lui apprendre à voler. A ouvrir les cloisons de son imaginaire. A coups de culbutes clownesques et d’anecdotes tragi-comiques, le show, inspiré du mythe d’Icare, revisité sur le mode positif, progresse vers un éloge de la fuite… par l’imagination et de la créativité.

Alimenté par l’adorable personnalité de Pasca, tout empreinte d’humanité et de simplicité, ce petit show poétique, doux, tendre, drôle, met à jour la fragilité humaine, mais aussi la force de son esprit créatif. D’une représentation à l’autre, ce rituel d’évasion change de couleur, à cause de l’apport de son complice d’un soir, appelé à prendre une part de plus en plus active au spectacle, à voler de ses propres ailes, quoi…

Ceux qui auront envie d’approfondir l’expérience pourront toujours s’inscrire au stage, animé par Daniele Finzi Pasca, sur «La vision du clown ou le travail de l’acteur tragi-comique». «Le clown est un acteur qui apprend à reconnaître les effets qu’il provoque. Il est son propre metteur en scène et son propre dramaturge. Je vois le clown comme un acteur qui danse. Il pense en forme de chorégraphies», écrit Pasca, qui a été convié à donner des ateliers sur le clown dans plusieurs théâtres et écoles, déjà. Offert du 31 août au 5 septembre, le stage est destiné d’abord aux artistes, clowns, acteurs, mimes et danseurs; mais tout le monde est le bienvenu.

Du 25 août au 12 septembre
A l’Usine C
Voir calendrier Théâtre
Information pour le stage: 521-4198