Les Éternels Pigistes : La comédie humaine
Vous êtes acteur. Vous gagnez des sous à la télévision, dans des téléromans ou dans des séries. Vous faites des voix à la radio, et des publicités payantes. Vous décrochez quelques rôles au théâtre et au cinéma. On connaît votre gueule un peu partout. Bref, votre carrière va bien. Sauf que…
Sauf que vous êtes éternellement, et solitairement, pigiste… Pourtant, en choisissant le métier de Molière, on vous avait dit que le théâtre était une grande famille. Que ce travail se faisait ultimement en équipe…
Marie Charlebois, Christian Bégin, Patrice Coquereau, Isabelle Vincent et Pier Paquette sont tous des acteurs qui jouent à la télévision, au cinéma et au théâtre. Ils ont voulu briser l’isolement de leur statut de pigistes, en formant une troupe de théâtre: Les Éternels Pigistes. Leur groupe s’est constitué en décembre 1996, à la création montréalaise de la pièce de Pierre-Michel Tremblay, Le Jeu du pendu.
Puisque sans texte, les acteurs sont comme des ampoules sans électricité, ces comédiens ont eu la bonne idée de demander à Pierre-Michel Tremblay – un auteur-scripteur également pigiste pour plusieurs émissions de télévision et des spectacles humoristiques – de se joindre à eux en 1996. Depuis, le réalisateur Claude Desrosiers est devenu membre des Éternels Pigistes.
«Nous sommes un regroupement d’artistes sérieux qui appréhendent le monde à la fois avec espoir, humour, causticité et autodérision…», proclame le dossier de presse de la troupe. Cela rappelle la philosophie de Robert Gravel. Un acteur qui avait l’habitude d’aborder chacune des créations du Nouveau Théâtre Expérimental dans «le sérieux et la désinvolture».
Notre moteur principal est le plaisir, souligne Pierre-Michel Tremblay. Nous aimons la comédie. Mais les comédies avec un fond grave. Il y a une différence entre le comique et l’humour. Sous le rire, l’humour a souvent une couleur désespérée.»
Après Le Jeu du pendu, la prochaine production des Éternels Pigistes, Quelques Humains, sera à l’affiche de La Licorne, du 8 septembre au 3 octobre. La comédienne Marie Charlebois signera sa première mise en scène – Les Éternels Pigistes constitue pour ses membres un lieu d’exploration pour faire des choses nouvelles -. Elle sera également sur la scène aux côtés de Bégin, Vincent, Paquette et Coquereau. Les cinq comédiens incarneront successivement plus de vingt personnages, de différentes époques et milieux sociaux.
Quelques Humains est justement une comédie avec une toile de fond dramatique. Le texte de Tremblay aborde des sujets sérieux – la mort, la foi, la paranoïa, l’économie, le pouvoir – à travers dix tableaux. «Le fil conducteur, explique l’auteur, ce sont tous ces moyens par lesquels les êtres humains tentent d’expliquer le monde, de donner un sens à leur vie. Ce qui s’est dégagé dans l’écriture, c’est que les gens deviennent prisonniers de leurs valeurs. Que celles-ci soient l’argent, la religion ou la famille…
«J’ai écrit des textes très drôles pour le théâtre d’été, poursuit Tremblay. Depuis Le Jeu du pendu, je creuse un sillon qui mélange l’absurde et l’humour noir. Je ne cherche plus seulement l’effet comique, le punch. J’aime l’humour désespéré.»
Pierre-Michel Tremblay est donc plus proche d’Ionesco que de Feydeau, des films de Woody Allen que de Dumb and Dumber. A la veille de la première de Quelques humains, il cite Béjart qui parlait, avant chaque nouvelle création, du «désespoir de l’incarnation». Il est assez angoissé, même s’il travaille avec ses collègues dans le plaisir.
«Je suis un peu mère poule comme auteur. Avant la création d’une nouvelle pièce, j’aime être dans la salle de répétition. Je prends des notes pour les acteurs. Je discute des coupures avec le metteur en scène. C’est ce qui est bien quand l’auteur fait partie de la troupe. Je suis entièrement disponible.»
Bien entendu, tout cela se fait avec les moyens du bord. Les Éternels Pigistes ont organisé des lectures et même une vente de garage pour financer leur projet. Pour leur sécurité financière, les comédiens et l’auteur devront retourner à la pige…
Jusqu’au 3 octobre
A La Licorne
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