Il faut le voir, sur les photos immortalisant certaines de ses pièces: le regard dramatique, à la Maria Callas, le geste expressif et maniéré, les robes démentielles, les chapeaux volumineux… En un mot, flamboyant.
Né en 1939 dans une famille argentine politisée, contrainte à l’exil par la dictature péroniste, Raul Taborda Damonte, dit Copi, s’établit à Paris en 1962. Remarqué alors qu’il vend des croquis sur le pont des Arts, il hérite rapidement d’une page hebdomadaire dans Le Nouvel Observateur (La Dame assise). Outre cette collaboration qui durera dix ans, le bédéiste sévit dans d’autres journaux et magazines de gauche: Libération, Hara-Kiri, Charlie-Hebdo.
En 67, cet être éminemment théâtral se tourne vers la scène. Un théâtre volontiers provocateur (en 70, sa pièce Eva Peron est jouée par un travesti, ce qui vaut au Théâtre de l’Épée-de-Bois un attentat, en pleine représentation, par un groupe d’extrême-droite), anti-bourgeois mais follement ludique, jouant sur les codes du vaudeville. Aussi comédien, Copi a écrit une douzaine de pièces (L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer, en 71), et huit romans (Le Bal des folles), tous unis par les mêmes thèmes, selon son frère Jorge: «l’amour de la vie et de la liberté», ainsi que le «mépris du totalitarisme».
Pour André Brassard, l’excentricité du personnage correspondait à une revendication de liberté individuelle.«Il avait quelque chose des travestis sud-américains qui allaient faire le bois de Boulogne, si l’on veut. Mais, en dessous de ça, il y avait toujours une fierté. Et il a toujours été en marge d’une sorte de normalisation de la vie gaie. Pour moi, c’était un geste de délinquance, et je trouve ça important aussi.»
N’empêche que le metteur en scène juge les premières pièces de Copi, vues à Paris au début des années 70, un rien trop farfelues à son goût: «C’était un peu comme faire des ballounes dans un verre de liqueur avec une paille. Mais avec Une visite inopportune, tout à coup, son délire a trouvé une assise. Les pièces traitant du sida sont assez réalistes. C’était la première fois que je voyais quelqu’un capable d’en arriver au rire. Et c’est probablement la manifestation de vie la plus importante, que d’être capable de voir cette espèce de grande-là (la mort), et de lui rire en pleine face.»
Décédé en 87, à quelques semaines des répétitions, Copi n’a pas pu voir la création de sa dernière pièce, au Théâtre de la Colline. Mais, en faisant jouer sa propre mort, à sa façon, par personnage interposé, il se sera à tout le moins inventé une belle sortie de scène. Celle que, peut-être, il aurait souhaitée. (M. Labrecque)