Gary Boudreault : Messe pour un temps présent
Qu’on se le dise: après s’être fait connaître pour leur théâtre iconoclaste où le saugrenu, le philosophique et le rustique faisaient bon ménage, Alexis Martin et ses «gosseux d’artisanat flamboyant» s’apprêtent à nous dévoiler un objet théâtral aux contours nettement plus troubles et vaporeux. Si Matroni et moi et Oreille, tigre et bruit ont fait mouche en alliant la comédie aux questionnements existentiels, dans Presbytère du Nord, présenté au Monument-National dès le 22 septembre, le public montréalais sera convié à une réflexion autrement plus spirituelle et dramatique.
«Les gens ne doivent surtout pas s’attendre à un divertissement songé qui va les faire rire aux éclats!» nous avertit Gary Boudreault, metteur en scène du Presbytère et complice d’Alexis Martin au sein du Groupement forestier du théâtre. «Même si le personnage de Gilles et son questionnement sur la mort de Dieu étaient déjà présents dans Matroni et moi, ici, l’univers est passablement différent: on a un triangle amoureux dont les débats et les états d’âme nous questionnent sur la foi, l’endoctrinement et le vide spirituel, l’amour de Dieu et les rapports de séduction entre les êtres.»
Si le programme peut paraître assez chargé à première vue, il semble que l’écriture-choc d’Alexis Martin ait réussi à garder sur leur siège les critiques et le public qui ont assisté à la création de la pièce, à l’été 97, en Gaspésie. Boudreault, qui porte aussi le chapeau de directeur artistique des Productions A tour de rôle, de Carleton, a cependant joué de prudence: «Les gens s’attendaient à voir du théâtre d’été, mais on les a avertis que la pièce était dense et qu’il s’agissait de théâtre de création. Le rythme qui ponctue l’écriture d’Alexis et son habileté à créer des personnages forts ont fait le reste.»
Fidèle à lui-même, Martin semble donc avoir misé davantage sur le choc des personnalités, des valeurs et des niveaux de langage que sur la vraisemblance des situations pour soutenir ce huis clos où deux hommes se confrontent l’un à l’autre et à leurs démons intérieurs.
Ainsi, dans l’enceinte du Presbytère du Nord, s’affrontent Guy Larochelle, prêtre missionnaire dans la cinquantaine (Roch Aubert), et son neveu Gilles, 30 ans, (David Savard), tous deux revenus récemment d’un long séjour en Haïti. Un événement dramatique, vécu là-bas en marge d’une histoire de trafic de drogue, empoisonne leur relation. L’arrivée d’une jeune femme, Catherine (Marie-Josée Picard), en quête d’absolu, vient attiser leurs différends: partagée entre le prêtre charismatique aux projets de communauté nordique et son neveu désillusionné par la religiosité, le cour de Catherine balance…
«Comme la pièce est assez dense dans ses questionnements, et qu’un personnage comme Gilles n’est pas toujours facile à suivre – sa fièvre chronique est due tantôt à la malaria, tantôt à ses excès d’alcool – ma mise en scène est simple et directe, précise Gary Boudreault. J’ai voulu clarifier les enjeux, faire passer l’émotion et la pensée d’Alexis… pas question d’en faire une lecture extraterrestre pour essayer de faire dire à l’ouvre des choses que je n’y vois pas!»
Ce parti pris de la simplicité se retrouvera également dans les autres facettes de la production. Conformément au credo du Groupement forestier qui promeut devant l’Éternel les vertus de l’«artisanat flamboyant» – une pratique théâtrale à petit budget, libérée «du calcul comptable» -, la scénographie de la pièce flirtera allègrement avec le minimalisme. «Pour évoquer le presbytère, on va se contenter de quelques accessoires, mais grâce à un panneau en PVC, on fera des ombres chinoises qui nous feront voyager entre le Québec et Haïti», conclut fièrement l’ingénieux Boudreault.
Entre le spirituel et l’artisanal, le bon Dieu et les bons diables, Alexis Martin et ses ouailles délaissent, le temps d’une production, la pochade satirique au profit d’une pièce sérieuse aux effluves métaphysiques.
Du 22 septembre au 3 octobre
A la salle du Maurier du Monument-National
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