Le Pendu vous salue bien : La mort du poète
A priori, avec son image mythifiée de poète et de voleur de grand chemin écrivant quelques vers impétueux entre un vol, une rixe et une amourette, le poète médiéval François Villon avait tout pour inspirer, tôt ou tard, une transposition théâtrale de sa vie épique. Plus de 500 ans après la mystérieuse disparition, l’auteur et comédien Marc Gooris et sa Compagnie de l’Ours débarquent à la salle Fred-Barry, jusqu’au 26 septembre, pour nous offrir une vision intimiste de la vie, de l’ouvre et de l’exil intérieur de ce poète maudit avant l’heure.
«Ni du tout fol, ni du tout sage», le flamboyant Villon déboule d’entrée de jeu sur scène, alors qu’on l’expulse de la prison où il était promis à la pendaison. C’est à compter de ce jour de janvier 1463 que l’histoire perd officiellement sa trace, et que Marc Gooris s’immisce dans sa peau et sa légende pour imaginer ce qu’ont pu être les derniers jours du poète aventurier qui vécut une forme de conversion.
S’inspirant de larges extraits du célébrissime Testament et de la Ballade des pendus, ouvres épitaphes où Villon exprime sa volonté ultime de se rapprocher de ses «frères humains» et de Dieu, la pièce de Gooris intègre assez habilement les vers du poète et évite les ruptures de ton. La poésie villonienne, passablement actualisée en français moderne, s’harmonise sans heurts au texte plus narratif de Gooris chargé de faire progresser l’action dans une langue lyrique au cachet ancien.
Dans un espace à peine meublé de quelques accessoires, et dans une mise en scène économe de Jean-Pierre Laruche, c’est essentiellement par le texte et le jeu que s’accomplit l’acte théâtral. Marc Gooris, dont l’intensité débordante a pu laisser sceptique, l’an dernier, dans son incarnation de L’Étranger – un spectacle solo qui sera repris à la fin du mois à Fred-Barry -, exprime ici une fougue et une superbe de bon aloi qu’on associe aisément au bouillant Villon.
Cependant, dans un spectacle aussi dépouillé qui mise beaucoup sur l’évocation, on peut déplorer que l’interprétation et la mise en scène manquent parfois d’imagination et de finesse pour suggérer les climats, les péripéties et les changements de lieux. Gooris et les acteurs Jean-François Warmoes et Dorothée Lambinon, qui incarnent Antoine et Margot, les compagnons d’infortune de Villon, ne réussissent pas toujours à façonner l’espace et les images de façon convaincante. Certains procédés de mise en scène, comme l’esquisse d’un pas de danse ou la mise en chanson d’un poème, paraissent alors plutôt maladroits.
Malgré tout, une émotion sincère se dégage de cette proposition théâtrale un peu rustaude. Comme si la sensualité et la force brute de la poésie de François Villon trouvaient dans les aspérités du projet de Marc Gooris une imperfection humaine qui lui sied relativement bien. N’est-ce pas le poète brigand lui-même qui écrivait: «De tous, suis-je le plus imparfait…»
Jusqu’au 26 septembre
A la salle Fred-Barry
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