Scène

Le Songe d’une nuit d’été : Rêve éveillé

Après 24 ans de relectures souvent audacieuses des grands textes de Dostoïevski, Rilke, Kafka et autres géants de la littérature universelle, l’équipe de La Veillée se frottera à la fin du mois à un monument qu’elle avait laissé jusqu’à maintenant dans la cour des théâtres institutionnels. William Skakespeare fera bientôt son entrée dans la petite salle de la rue Ontario par le biais du féerique Songe d’une nuit d’été, dans une adaptation du metteur en scène Oleg Kisseliov.

«Pour moi, Le Songe, c’est le rêve amoureux du théâtre. Et dans mon adaptation, j’ai voulu tout mettre en ouvre pour en amplifier la dimension onirique», précise l’homme de théâtre d’origine russe, installé à Montréal depuis quatre ans et demi.

Évidemment, Kisseliov ne sera pas le premier – ni le dernier – metteur en scène contemporain dont l’imaginaire aura été titillé par cette comédie aux accents magiques et sensuels: les visions érotiques et aquatiques de Robert Lepage – piscine à l’appui – sont encore fraîches à la mémoire de ceux qui ont été éclaboussés par sa transposition du texte, au Trident, il y a trois ans.

Oleg Kisseliov, loin de ce faste scénographique, jouera quant à lui sur d’autres cordes pour surprendre le spectateur. «Dans la pièce de Shakespeare, des comédiens amateurs préparent une pièce de théâtre en marge des chassés-croisés amoureux. Avec ma relecture, je place à l’avant-plan cette idée de la représentation du théâtre dans le théâtre afin de montrer le miracle de la fiction qui s’entremêle à la réalité. Et pour amener le public à vivre la fusion des deux, je me permets de permuter les scènes et les répliques, de changer le profil de certains personnages et de situer l’action dans un théâtre désaffecté plutôt que dans une forêt.»

Un traitement qui s’annonce «métamorphosant», donc, pour le texte shakespearien. Rien de très étonnant de la part d’un metteur en scène qui a peaufiné son approche du théâtre expérimental dans sa propre troupe moscovite au cours des années 80, et au sein du Théâtre Koy Koy de Montréal, depuis quatre ans.

Pour créer sa «polyphonie des voix et des corps» – axée sur le délire d’un metteur en scène qui voit apparaître Obéron, Titania, le lutin Puck et leur joyeuse bande dans son ancien théâtre -, Kisseliov comptera sur une distribution d’une douzaine d’acteurs. Une majorité de jeunes comédiens de la relève (Pascal Auclair, Noémie Godin-Vigneau, Patrice Savard et Michel-André Cardin, entre autres) y côtoieront des acteurs aguerris tels Reynald Bouchard et la Russe Maria Monakhova.

«Mon plus grand défi aura été d’harmoniser le jeu de ces comédiens aux expériences très diverses, avoue le metteur en scène. Les jeunes, habitués aux rôles de la télé, ont eu à hausser leur jeu à un niveau plus théâtral. Leurs aînés, eux, ont dû briser certaines de leurs habitudes. Heureusement, tout le monde s’est impliqué dans les répétitions avec beaucoup de générosité.»

Sur le plan scénographique, Kisseliov demeure également le maître d’ouvre. Le décor qu’il a lui-même conçu sera constitué d’une structure de métal voûtée évoquant par sa solidité les traditions théâtrales dont il veut s’affranchir. Les costumes, également dessinés par lui, seront «assez beckettiens», à mi-chemin entre l’accoutrement du vagabond et celui du clown.

Il y a quatre cents ans, Shakespeare fut surnommé shake-scene, l’«ébranleur de la scène», parce que ses pièces novatrices secouaient allègrement les conventions du théâtre de son époque. Dans quelques jours, sur la scène de La Veillée, un metteur en scène russe tentera de déstabiliser, à son tour, notre vision d’une ouvre de son mentor… devenue un classique.y

Du 29 septembre au 18 octobre
A l’Espace La Veillée