Marielle Léveillé : Anita pour la vie
Le personnage est jeune, mais il atteint une certaine maturité: Anita, tenancière de buanderie, puis reine du Tupperware, après des dizaines d’interventions dans des galas et spectacles collectifs, est maintenant prête à accueillir son public pour toute une soirée en tête-à-tête, au Club Soda. La comédienne derrière le personnage, l’auteure-humoriste Marielle Léveillé, en parle avec enthousiasme. Après quinze ans de métier, l’artiste est fière de sa création: «Viens me voir, j’suis sûre que tu t’ennuieras pas, tu vas rire», lance-t-elle, convaincue.
Si elle affirme que «le succès, c’est un malentendu», qui ne vient pas toujours pour les bonnes raisons, il reste que l’humoriste a fait ses classes, a bûché, a persévéré – un mot qui revient souvent dans la conversation. Un baccalauréat en art dramatique à l’UQAM, à la fin des années 70, à l’époque du théâtre politique, brechtien; un stage chez Alain Knapp, à Paris; des débuts prometteurs aux Lundis Juste pour rire, puis l’École de l’humour l’ont rapprochée sans cesse de ses premiers points d’intérêt: la comédie, la création, l’écriture. Après des monologues où il était question du cinéma français, puis des téléromans, humour qu’elle qualifie d’intellectuel, destiné à un public plus restreint, est apparue un jour Anita…
«C’est un personnage que j’ai construit à partir de l’observation d’une femme dans une buanderie, se souvient Marielle Léveillé. Elle parlait de son mari qui était entré à l’hôpital (la comédienne mime l’être renfrogné chuchotant son malheur), puis elle se retournait toute souriante pour répondre à ses clients qui lui demandaient du savon, de l’eau de Javel… J’avais été frappée par le contraste entre la tristesse et le sourire. J’ai commencé à jouer ça, et au bout d’un certain temps, je me suis rendu compte que j’étais hantée par ce personnage: cette fille-là ne me ressemble pas du tout mais je peux lui faire dire n’importe quoi.»
«Douce, généreuse et aimante, poursuit sa créatrice, Anita veut t’aider, mais étant directe, elle est aussi maladroite, ce qui fait partie de son charme. Par exemple, elle va dire à quelqu’un: "Toi, tu as des dents de lapin, han, mais c’pas grave, t’as un beau sourire", ou encore, à notre époque politically correct où on ne peut plus nommer un chauve un chauve, elle dira: "Toi, tu es dégarni du dessus de la tête, tu souffres de décentralisation capillaire."»
Avec le temps, la représentante Tupperware a ajouté à son petit commerce des produits de relaxation, de beauté. «Mais elle ne te force pas à acheter, prévient Marielle Léveillé: tout ça, c’est un prétexte pour parler d’autre chose, pour entrer en contact.»
La comédienne qui, toute jeune, connaissait par cour les monologues de Clémence DesRochers, a poursuivi, parallèlement à sa carrière, des études de maîtrise, a écrit un mémoire sur le monologue d’humour. Elle qui a côtoyé les Claudine Mercier, Lise Dion et Marie-Lise Pilote, ne sait pas pourquoi il n’y a pas plus de femmes humoristes. «J’ai toujours considéré qu’être une femme dans un métier où il n’y en a pas beaucoup était un avantage parce que ton nom sort plus vite. J’en ai vu de très bonnes, qui n’ont pas persévéré. Il faut être bien entourée, avoir du matériel. Finalement, un artiste doit trouver sa couleur pour qu’on le distingue des autres.» Pour son spectacle solo, Marielle Léveillé s’est assuré la collaboration de Mouffe à la mise en scène, une complice de longue date.
Les 1er, 2 et 3 octobre
Au Club Soda