Pascale Rafie : La vie en rose
Scène

Pascale Rafie : La vie en rose

On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Pascale Rafie appartient à cette génération d’auteurs de théâtre – les Champagne, Messier, Monty – qui ont formé leur compagnie et pris d’assaut les scènes pour monter leurs propres textes, sans attendre d’être découverts par autrui. D’un tempérament plus réservé, l’auteure aura mis plus de temps à prendre les grands moyens et à foncer.

Avec Le Paradis mobile, premier projet du Théâtre la Caravane, qu’elle présente deux jours seulement en laboratoire public au Lion d’or, Pascale Rafie se lance dans la mise en scène. Histoire de «se mouiller» davantage, de participer à la fièvre créative en salle de répétition, de «faire éclater» son écriture. «Tu existes ou tu n’existes pas comme artiste. Personne ne va te prendre par la main, te faire de cadeaux, constate-t-elle finalement. Je suis sortie de l’école il y a 12 ans. On va de commande en commande, et il y a toujours un projet qui nous tient. Souvent, les projets vraiment personnels restent dans le tiroir parce qu’ils sont… trop personnels, justement.»

«Il a fallu que je prenne mon courage à deux mains pour faire ce pas-là. La solitude du dramaturge était très confortable. Quand j’ai commencé à écrire, je pensais que je me cachais derrière les personnages, plutôt que d’aller les défendre sur scène; et qu’il y avait quelque chose de lâche là-dedans (rire)… Il me semble que c’est trop facile d’écrire et de dire après: Débrouillez-vous.»

Et on constate qu’elle ne s’est pas s’est pas donné la partie facile pour ses débuts: sept comédiens (dont Paule Baillargeon, Julie Vincent, Mylène Roy, Dominic La Vallée), du théâtre dans le théâtre, des numéros musicaux et dansés, que le laboratoire va explorer tout particulièrement: une grosse aventure, à laquelle elle espère intéresser un coproducteur.

Dans une forme un peu brechtienne, un «carnaval métaphysique», un cabaret forain, Le Paradis mobile suit le périple de Magda, une vieille femme de 125 ans qui part en quête de l’homme le plus malheureux de la terre, afin de faire «l’Amour universel infini» avec lui, et ainsi sauver le monde… Inutile de préciser que Pascale Rafie veut s’éloigner du réalisme scénique. «J’ai une approche plus poétique, fantaisiste. Ce qui explique que j’aie écrit beaucoup de théâtre pour enfants (Charlotte Sicotte, notamment). Quand je raconte la prémisse de Paradis mobile, on pense que c’est un show pour enfants, parce que c’est de l’ordre du merveilleux. Mais pourquoi on ne raconterait pas des contes aux adultes, aussi? On est trop sérieux, rationnels. On vit dans une époque très cynique.»

Et le cynisme, c’est bien beau, sauf que ça ne change pas le monde… Pascale Rafie a elle-même versé dans une vision très sombre du monde. Mais, en vieillissant, la coauteure de Cabaret Neiges noires a presque diamétralement inversé son propos, et pris le contrepied de toute cette dérision qui imprègne l’univers de bien des jeunes auteurs. «Il y a là un côté: "Je vais vous montrer à quel point le monde est horrible, absurde; regardez!" La dérision fait déjà partie de notre monde. J’ai envie d’apporter quelque chose de plus lumineux. De plus naïf, aussi. Et c’est pour ça que j’appelle ça une comédie candide. C’est comme si je choisissais volontairement d’être naïve. De dire: "Bon – et c’est le propos de la pièce -, et si l’amour pouvait changer le monde vraiment?" Hé que c’est niaiseux, kétaine de dire ça! Mais ces femmes ne sont pas juste ridicules. Elles y croient vraiment. Et je pense qu’il y a quelque chose de beau à voir des gens qui essaient de construire, pas juste de montrer les horreurs.»
Pascale Rafie nous promet donc un cabaret aussi rose que noir.

Les 1er et 2 octobre
Au Lion d’Or