José Navas : Leçon des corps
Scène

José Navas : Leçon des corps

D’abord reconnu comme un interprète charismatique, JOSÉ NAVAS s’est rapidement fait remarquer comme chorégraphe lors de festivals de danse en Amérique et en Europe. Rencontre avec un homme comblé.

José Navas a rencontré son destin à 18 ans en se trompant de local. Au lieu de retrouver son atelier de théâtre, il est resté là à observer la classe de danse moderne. Le coup de foudre! Voilà, c’était parti. «Ça a changé ma vie, se rappelle-t-il. J’ai oublié l’universit骅» Où il étudiait la littérature. C’était au Venezuela, son pays natal. Par la suite, il réussit à se faire une place enviable comme danseur à New York, notamment à la compagnie de Lucinda Childs. En 1991, il vient s’installer à Montréal où il commence à chorégraphier tout en dansant pour Marie Chouinard.

On le dit déroutant, provocateur. Il admet volontiers qu’il aime expérimenter, changer sa façon de travailler d’une pièce à l’autre et faire des surprises au public. «Je veux que le spectateur sorte du théâtre avec un cadeau»ª, dit-il. C’est cet objectif de communication qui l’a fait passer de la littérature à la danse. «Dans les deux cas, il y a un système d’écriture. On peut faire un parallèle. Mais le langage de la danse est plus universel. On peut communiquer n’importe où dans le monde.»

Son goût pour l’expérimentation, Navas le doit en partie à sa formation chez Merce Cunningham, à New York. «Ça m’a donné une base solide.»ª Une éducation qui l’a habitué à travailler sans relâche. Sitôt une ouvre terminée, il enchaîne sur une nouvelle création. Dans la vingtaine de jours qui séparent les représentations de Montréal et de Québec, par exemple, il s’est déjà lancé dans la création de deux nouveaux solos. «C’est en produisant qu’on apprend, qu’on comprend l’évolution de son travailª», explique-t-il.

Le spectacle que nous verrons la semaine prochaine à la salle Multi se compose de trois pièces récentes. Avec le solo Abstraction, sa toute dernière création, le chorégraphe considère que son travail prend une nouvelle direction. Plus axée sur le mouvement formel et moins sur la mise en scène, cette pièce qui va à l’essentiel lui est particulièrement personnelle du point de vue de l’expression des émotions. Tout le contraire de Bosquejo, l’autre solo, où les éléments sonores et visuels prennent beaucoup d’importance. Dans un costume métallique, Navas y évoque un personnage hybride, à la fois homme futuriste et guerrier indien.

Considérée comme la pièce de résistance, One Night Only 3/3 met en scène trois danseurs aux mamelons rouges dans un tapis de plumes rouges. Estelle Clareton, Dominique Porte et José Navas jouent sur l’ambiguïté sexuelle. Dans l’extrait que j’ai pu voir, la pureté des lignes et la précision des mouvements m’ont fait penser à du Cunningham, mais la danse de Navas est beaucoup plus fluide. La pièce a été imaginée comme trois solos, dans le sens où chacun danse avec autant d’intensité que s’il était seul en scène.

Le chorégraphe aime s’entourer d’artistes de métier. Il ne se gène pas pour leur faire exprimer leur plein potentiel mais il leur en donne le crédit. Tant mieux si les spectateurs perçoivent le style et la gestuelle d’Estelle ou de Dominique. «Il faut avoir du respect pour l’interprète, lui donner de l’espace»ª, estime-t-il. Même chose pour la musique de Laurent Maslé, l’éclairage d’Axel Morgenthaler et les costumes de Liz Vandal. Chaque élément artistique est autonome, complet en lui-même. «Je me trouve chanceux d’avoir une telle équipe»,ª tient-il à ajouter. C’est avec cette petite famille, qui forme à présent sa compagnie Flak, qu’il entend poursuivre son travail.

Du 15 au 17 octobre
A la Salle Multi