Scène

Les Femmes savantes

Jusqu’au 24 octobre
Au Grand Théâtre

Bien que Molière s’en soit moqué avec verve et que sa raillerie ait sans doute été justifiée, CHRISTIANE PASQUIER rappelle, en signant la mise en scène des Femmes savantes, que ces «érudites» du XVIIe siècle contribuèrent, à leur façon, à l’affirmation féminine. Prétention et ridicule nuancés, servis avec la fraîcheur de la simplicité.

Comme sa mère et sa tante, Armande (Sylvie Cantin) a choisi d’épouser la philosophie. Prétentieuse et hautaine, elle repousse cavalièrement les avances de Clitandre (Jacques Baril) qui, après deux ans de vains soupirs, trouve réconfort dans les bras de sa cadette, Henriette (Marina Thiney). Peu encline aux choses de l’esprit, cette dernière aspire au mariage et à la vie de famille, ce qui n’est pas pour plaire à son aînée, qui se trouve prise à son propre jeu. Mais Philaminthe (Marie-Ginette Guay), la mère, a d’autres projets pour sa benjamine. Elle voit en Trissotin (Jack Robitaille), un charlatan de la pire espèce, le parti idéal pour cette dernière. Clitandre, de son côté, obtient la bénédiction du père, Chrysale (Jacques-Henri Gagnon), qui n’a cependant pas l’habitude de tenir tête à sa femme. Dès lors, deux clans se dessinent et une lutte de pouvoir s’engage au sein de cette famille où tous les rôles semblent inversés.

Cette pièce, plus de trois fois centenaire, peut paraître un peu désuète en ce qu’elle réfère à la réalité de l’époque; elle est cependant toujours actuelle en ce qu’elle sonde la bêtise humaine. Molière nous convie à partager sa vision caustique du monde superficiel des apparences, où le paraître prime l’être et où les attitudes maniérées exacerbent le ridicule.

Sous la direction de Christiane Pasquier, cependant, les femmes savantes paraissent un peu moins ridicules, un peu plus humaines et nuancées qu’à l’habitude. Par une mise en scène dynamique et un souci évident de livrer les répliques avec naturel et simplicité, Mme Pasquier, qui signe ici sa première mise en scène, évite astucieusement les pièges de ce texte en vers. Les déplacements, le langage corporel, les mimiques, les silences affirment le caractère des différents personnages dans ce qu’il a de typique.

Marie-Ginette Guay propose une Philaminthe majestueuse et autoritaire à souhait. Quant à Jack Robitaille, il incarne un imposteur dont l’arrogance n’a d’égale que l’appât du gain. Enjôleur et poseur, il est tout simplement savoureux. La Bélise de Lise Castoguay est d’un comique délectable dans ses deux premières scènes. Jacques-Henri Gagnon, pour sa part, rend Chrysale on ne peut plus sympathique et pousse la caricature à l’extrême.

Le décor ingénieux de Paul Bussières favorise le mouvement. Trois pièces se partagent la scène au premier plan et on devine, derrière les immenses fenêtres de la pièce centrale, un jardin et l’infinité de la nuit… Les éclairages de Denis Guérette sont discrets et efficaces. Les jeux de miroirs que permettent les vitres et la projection, en second plan, d’un planisphère représentant l’héliocentrisme de Copernic, lorsque la conversation emprunte le chemin de la connaissance, viennent consolider l’ensemble. Tout comme les costumes de Denis Denoncourt dont les couleurs marquent l’opposition entre les personnages qui préconisent l’esprit aux dépens de la chair et ceux qui croient qu’il est possible de marier avantageusement ces deux solitudes.