Les Fourberies de Scapin : Jeunesse oblige
Scène

Les Fourberies de Scapin : Jeunesse oblige

Ayant pour mission principale de faire connaître le théâtre à un public adolescent, le Théâtre Denise-Pelletier est en voie d’établir une nouvelle tradition: celle de nous faire découvrir, une fois par saison, la belle jeunesse qui s’apprête à monter sur nos scènes.
Après Arlequin, serviteur de deux maîtres, il y a deux ans, et Molière… 3 farces, l’an dernier, c’est au tour des Fourberies de Scapin de prendre l’affiche de la grande salle de l’Est avec une distribution fraîchement émoulue de nos écoles de théâtre. Dirigés par Joseph Saint-Gelais, ces nouveaux talents tentent à leur tour de prouver l’éternelle vigueur de Molière en lui insufflant un peu de la leur. Une belle énergie qui est cependant mal canalisée…

A première vue, ces Fourberies d’un valet rusé qui dupe deux pères pour permettre le mariage de leurs fils semblent faites sur mesure pour une distribution jeune et impétueuse. Dans cette grande farce abracadabrante, le cher Poquelin met tout son génie au service de numéros d’acteurs très physiques et savoureux, et d’un déploiement inépuisable d’inventions bouffonnes.

Le hic avec la proposition du metteur en scène Joseph Saint-Gelais et de ses jeunes protégés, c’est que le comique de situation et de caractère, si important chez Molière, y est rarement exploité à sa pleine mesure. La précipitation avec laquelle plusieurs interprètes débitent leurs répliques – qui rebondissent de l’un à l’autre de façon étourdissante – les empêche souvent d’extraire du texte et de ses intrigues tout le suc qu’ils recèlent.

Dans ce contexte où la direction d’acteurs semble plutôt déficiente, presque tous les comédiens jouent d’une même manière clownesque, sans explorer suffisamment les ressources propres à leur personnage. Martin Héroux, le plus expérimenté de la distribution, campe un Scapin agile et cabotin qui séduit par moments. Mais il lui manque un peu de cette ruse et de cette finasserie exquises qui font tout le charme du valet manipulateur.

C’est Sophie Bourgeois qui nous offre la plus belle surprise de la production. Dans le rôle ingrat de Zerbinette, c’est elle qui révèle à Géronte (Claude Tremblay) la supercherie dont il est l’objet, dans un long fou rire qu’elle rend aussi naturel que charmant. Tremblay tire également son épingle du jeu grâce à la verdeur du vieillard précieux, grognon et hyper-nerveux qu’il incarne. Son fameux «Que diable allait-il faire dans cette galère?», à demi étouffé par la colère, est d’une drôlerie consommée.

Quant au décor, constitué simplement d’une arche stylisée et de quelques rideaux, il ne réussit pas à évoquer l’atmosphère méditerranéenne du port de Naples où se déroule l’histoire. Le jeu se déploie essentiellement sur un grand parquet bleu qui crée une impression de vide et de froideur.

Malgré quelques passages inspirés, on reste donc étranger à l’espèce de tourbillon verbal et gestuel qui déferle et s’essouffle devant nous. Avec une mise en scène sans grandes trouvailles qui ne fait rien pour clarifier les chassés-croisés de la pièce, la bonne volonté des comédiens en devenir semble laissée à elle-même plus souvent qu’autrement.

Ainsi montée, la savoureuse comédie humaine de Molière prend presque des allures de vaudeville déglingué où l’on s’agite en vain.y

Jusqu’au 24 octobre
Au Théâtre Denise-Pelletier